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Changeons de vocabulaire: la confusionite

Maintenir le lien

Dans notre société tout concourt à créer un fossé entre le patient Alzheimer et ses proches: les tests médicaux  comptabilisent les manques et jamais les ressources, l’utilisation systématique du mot « démence » enferme le patient dans un univers fermé et anxiogène.

Pour que la relation des patients et de leur proches devienne satisfaisante, agréable ou tout simplement vivable, il faut avoir le courage d’aller à contre-courant de bien des idées reçues. « Pour aider les aidants », il faut expliquer comment fonctionne la pathologie non pas d’un point de vue scientifique ou médical mais dans la vie quotidienne. Continue reading

Comment se faire piéger par la maladie

alzheimer mon amourCécile Huguenin est une femme dynamique qui a beaucoup voyagé, elle a décidé de livrer un combat acharné contre la maladie d’Alzheimer dans lequel elle a tout sacrifié et brûlé ses bateaux. Elle n’a pas joué franc jeu avec les neurologues dont apparemment elle n’attendait rien. Elle a pris comme allié la nature, les promenades au bord de mer, puis le dépaysement exotique en s’installant à Madagascar. Elle pensait vaincre, c’est pourquoi ce livre se lit comme un roman. C’est l’histoire d’un combat plein de rebondissements.

Et là on est obligé de constater que le patient Alzheimer est tout entier aux mains de l’aidant, qui lui organise sa vie comme il l’entend : Je te mets dans une maison de retraite pendant neuf mois et puis je t’emmène à Madagascar et puis je te ramène, et puis…
Cette dépendance radicale est la caractéristique même de la maladie, cette dépendance aussi difficile à vivre d’un côté que de l’autre est une question de fond, à laquelle on ne prête pas attention tant on est pris par les urgences du quotidien. « Elle pleure, il la regarde étonné » Tout ce que l’un sent et exprime a des conséquences sur l’état de l’autre même si aucune action n’est entreprise. «C’est toi qui me harcèle, toi qui me tyrannises… Je suis devenue l’otage de ta maladie. Je suis ta prisonnière.» Que va ressentir celui dont le cerveau est abîmé en face de mots qui l’accusent aussi cruellement, de mots qui sortent de la bouche de l’être qui est son seul point d’appui dans un monde qui lui échappe. La devinette n’en est pas une : il va sombrer dans un désespoir qui va aggraver l’état de son cerveau et sa dépendance.
On voit que le combat contre la maladie devient le combat contre le malade (l’auteur fait allusion « à la bagarre de la toilette »), c’est lui qui devient l’ennemi.
Le piège alors se referme.

Pourquoi le déni de la maladie est si répandu

La presse aime bien les drames.
Le déni de la famille et du patient sont renforcés par l’image horrible de la maladie d’Alzheimer répandue dans les médias (cf as tu vu ce bel article du nouvel observateur) et dans l’inconscient collectif. Le déni vient de la peur des changements apportés par la maladie, peur d’autant plus grande que l’on a des idées fausses et imprécises sur les changements en question. Il faut dire qu’il y a des associations dont le rôle serait de défendre les malades et qui fournissent aux médias les horribles histoires dont ils sont si friands, ce qui fait de Alzheimer un sujet récurrent et rentable pour nos magazines.

Le discours médical reste froidement scientifique.
Les neurologues ont une spécialité le cerveau. Même pour eux il  y a diverses théories qui sont loin de tout expliquer. Leur spécialité n’est pas la vie quotidienne.  Le discours médical donne force détails (détails relayés par les associations qui n’ont  pas compris que le stress est l’ennemi des familles et des patients) sur les différentes manières dont la situation va empirer et c’est à peu près tout, car les remèdes ne peuvent que retarder la dégradation du cerveau. Les capacités préservées, les nouveaux apprentissages, la bonne humeur au quotidien… ne font pas partie des dernières découvertes de la recherche médicale, dont on espère une pilule miracle, le plus vite possible.

Non-assistance à personne en danger.
Il ne faut pas s’étonner alors de voir, sauf exception, le patient refuser le diagnostic, les remèdes qui vont avec et les modifications de comportement. Le déni fait partie de la maladie et ne gêne en rien le patient. C’est le moment de commencer à comprendre comment il fonctionne. Quoi qu’il arrive, il sait et il ne sait pas, en même temps, qu’il est porteur de cette maladie. La preuve, il est terriblement atteint quand on dresse devant lui le portrait d’un avenir atroce, comme s’il ne pouvait ni entendre ni comprendre (cf les médecins connaissent-il Alzheimer)
Il en est tout autrement pour la famille, pour qui le déni de la maladie est grave. Il y a un danger réel à faire comme si de rien n’était. En face d’une situation nouvelle, il faut des comportements nouveaux. Et comme la pathologie évolue sans cesse il faut sans cesse de nouveaux aménagements du mode de vie (cf la valse des miroirs.)
La période qui suit le diagnostic est cruciale, c’est le moment d’initier les transferts de compétences et commencer à modifier la géographie des relations. C’est le moment pour les personnes concernées de réaménager leur vie, de faire preuve de créativité, de prendre des mesures de fond pour sauvegarder la vie sociale et relationnelle du patient. Quand les choses se seront mises harmonieusement en place le patient ne parlera pas forcément de sa maladie qui continue de faire peur à tout le monde, et cela n’a aucune importance contrairement à ce qu’en pensent les soignants.

Le déni des soignants et le manque d’empathie

Il y a de psychologues, des orthophonistes, des ergothérapeutes, des médecins, des infirmières, des aides-soignantes, qui considère que le patient doit d’abord « accepter sa maladie », plaider coupable, ce qui montre qu’ils n’ont pas compris comment fonctionne le cerveau d’un patient qui a perdu la capacité de faire des plans, des analyses et des synthèses, de raisonner sur les choses, de se repérer dans le temps et l’espace. Ils font donc montre d’un déni qu’ils reprochent ensuite aux autres. Ils se sentent ainsi justifiés à rejeter des malades assez stupides pour ne pas comprendre leur maladie et qui opposent une fin de non-recevoir à l’aide (inadéquate) qu’ils proposent.

On ne peut pas leur en vouloir, ils répètent ce qu’on leur a appris. Ils croient que pour soigner, il faut s’en tenir aux protocoles enseignés par la faculté. Ils supposent la présence de capacités absentes et ne voient pas celles qui sont réellement présentes. Ils n’ont pas été formés à l’empathie. Hélas !

Seuls ceux qui savent trouver en eux cette empathie ont une vraie connaissance de la maladie et peuvent entrer en relation avec les patients. Aujourd’hui c’est cette connaissance qui manque le plus.