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Comment vivre au quoditien

Comment se faire piéger par la maladie

alzheimer mon amourCécile Huguenin est une femme dynamique qui a beaucoup voyagé, elle a décidé de livrer un combat acharné contre la maladie d’Alzheimer dans lequel elle a tout sacrifié et brûlé ses bateaux. Elle n’a pas joué franc jeu avec les neurologues dont apparemment elle n’attendait rien. Elle a pris comme allié la nature, les promenades au bord de mer, puis le dépaysement exotique en s’installant à Madagascar. Elle pensait vaincre, c’est pourquoi ce livre se lit comme un roman. C’est l’histoire d’un combat plein de rebondissements.

Et là on est obligé de constater que le patient Alzheimer est tout entier aux mains de l’aidant, qui lui organise sa vie comme il l’entend : Je te mets dans une maison de retraite pendant neuf mois et puis je t’emmène à Madagascar et puis je te ramène, et puis…
Cette dépendance radicale est la caractéristique même de la maladie, cette dépendance aussi difficile à vivre d’un côté que de l’autre est une question de fond, à laquelle on ne prête pas attention tant on est pris par les urgences du quotidien. « Elle pleure, il la regarde étonné » Tout ce que l’un sent et exprime a des conséquences sur l’état de l’autre même si aucune action n’est entreprise. «C’est toi qui me harcèle, toi qui me tyrannises… Je suis devenue l’otage de ta maladie. Je suis ta prisonnière.» Que va ressentir celui dont le cerveau est abîmé en face de mots qui l’accusent aussi cruellement, de mots qui sortent de la bouche de l’être qui est son seul point d’appui dans un monde qui lui échappe. La devinette n’en est pas une : il va sombrer dans un désespoir qui va aggraver l’état de son cerveau et sa dépendance.
On voit que le combat contre la maladie devient le combat contre le malade (l’auteur fait allusion « à la bagarre de la toilette »), c’est lui qui devient l’ennemi.
Le piège alors se referme.

Qui êtes-vous ? Je ne vous  connais pas!

Comment réparer un cerveau qui bugge.

Voici mon aventure de cette nuit. A quatre heures du matin, Daniel s’agite dans notre chambre, surpris de me voir et il me dit d’un air fort déplaisant : « Qui êtes-vous ? Je ne vous  connais pas ! »

J’essaie d’une voix douce : « Je suis Colette » mais son visage reste fermé, il crie : « C’est vous qui le dites ! Comment êtes-vous entrée ici ?»   Pour continuer sur ce sujet, la suite de cet article est dans le livre « Le bonheur plus fort que l’oubli ». Continue reading

6 nouveaux concepts pour aider les aidants

1-Le permis à point
Quand on franchit la ligne jaune, c’est-à-dire que l’on a manqué au code de conduite du « savoir bien vivre avec Alzheimer », soit en faisant des reproches ou en mettant en échec le patient, il faut rattraper les points perdus sans retard. Comment ?  En le replaçant dans la position de quelqu’un qui donne, de quelqu’un qui fait, de quelqu’un qui sait : «  Aurais-tu la gentillesse de faire cela pour moi ? » On peut aussi offrir quelque chose, mais dans mon expérience c’est demander un service ou plusieurs, qui est le plus efficace pour rétablir l’équilibre d ‘une relation, où l’autre a brusquement et cruellement souffert de sa dépendance.

2- La carte et le territoire
Un objet « étranger » dans un environnement familier est source de perturbation immédiate. La carte est effacée, mais la mémoire du territoire demeure. Avec le territoire, il y a la possession du territoire et l’agression sur le territoire. Le respect du territoire est une constante à ne jamais sous-estimer. Il y a un lien entre l’identité et le territoire, celui qui possède un territoire se sent exister en tant que personne à part entière. Le territoire peut être un espace matériel, physique ou sonore ou expressif.

Stress3- La routine sportive
Une routine est une succession des pensées et de comportements effectués durant la préparation d’une performance sportive. Ces processus utilisé par les grands sportifs pour diminuer le stress d’une compétition peuvent être adaptés à la vie quotidienne du patient. L’installation d’un mode de vie régulier avec des routines successives donne une familiarité au quotidien. Quand a contrario les routines sont bousculées par une maladie ou la présence d’autres personnes, il faut essayer de les rétablir dès que possible.

4- L’omniprésence de  l’inconscient.
Il ne faut pas oublier que l’inconscient fonctionne en permanence, comme instrument de stockage des informations, et donc rien ne passe d’une certaine façon inaperçu. Rien n’est en réalité oublié,  en tout cas toutes les informations qui ont un contenu affectif. Le patient est particulièrement sensible, même s’il ne l’exprime en aucune façon, à l’état émotionnel d’une personne avec laquelle il est en contact et à la manière dont cette personne le considère. Il n’oubliera pas ni qui a franchi la ligne jaune, ni qui lui a témoigné une considération sincère.

5- La vitesse de croisière.
Elle est atteinte quand il y a suffisamment d’activités satisfaisantes, créatrices de sens et de bien-être pour le patient. Accomplies avec plaisir ces activités remettent le patient dans un état de fluidité où il ne ressent plus, pendant un temps donné, son handicap concernant l’espace, le temps, la complexité  de l’environnement et la perte de mémoire. La vitesse de croisière est celle où on a en quelque sorte accumulé des réserves de bien-être, qui permettent d’amortir les stress inattendus de la vie quotidienne.

6- La politique de la disparition.
Comme ce qui fait problème, c’est la confusion entre deux choses, la solution consiste à faire disparaître provisoirement ou définitivement l’objet qui pose souci.
La confusion entre deux paires de chaussures ou entre les chaussures et les chaussons. Seul l’objet utile est visible, l’autre est caché.
Le patient met dans le tiroir de table de nuit la lampe de poche pour se lever dans le noir et donc il ne la retrouve pas. On enlève  le tiroir ainsi la lampe sur la table de nuit reste en évidence, surtout si on l’a entouré d’un bandeau phosphorescent.

Pour un protocole de prise en charge à l’hôpital

Y aller ou non?

Le risque majeur est que le malade ressorte guéri ou pas, mais qu’il tombe dans une confusion irrécupérable, qu’il perde définitivement l’équilibre relatif et précaire dont il disposait auparavant. (voir les ravages d’un week end à l’hôpital)
Premièrement, il ne faut pas envoyer à la légère un patient Alzheimer à l’hôpital, la famille doit être prévenue du risque encouru. Il faut beaucoup hésiter. Il est sûrement possible d’étudier des solutions de rechange.
Le degré de fragilité des patients Alzheimer n’est pas visible à l’œil nu. Un patient Alzheimer peut répondre à certaines questions, mais souffre d’un handicap mental qui l’empêche de s’adapter rapidement à un milieu nouveau, qui l’empêche de prendre la mesure du temps, de la durée d’une contrainte. Tout lui paraît définitif, car il n’a pas d’autre référence que ce qu’il voit. L’équilibre instable où il se trouve peut être mis à mal par l’afflux d’informations nouvelles : une chambre, un lit, le défilé des infirmières, des soins douloureux ou contraignants, de la lumière, du bruit, du chaud, du froid, des portes qui s’ouvrent et se ferment.

medecin et alzheimerUn patient Alzheimer n’a pas la capacité de se défendre, ni de se justifier, si on le met dans une situation qui le fait souffrir. Il est extrêmement vulnérable, son cerveau fragile ne peut pas gérer le stress. Par-dessus tout, le patient est extrêmement sensible à la manière dont les autres le considèrent, à la qualité d’être humain qu’on lui attribue en tout ou en partie.
La plupart des gens voyant un patient Alzheimer incapable de se servir d’une sonnette pour appeler l’infirmière en déduisent qu’il ne comprend rien à rien et qu’il ne sent rien, qu’on peut donc le traiter comme un objet, qu’il ne fera pas la différence, que de toute façon, il ne se rappellera rien.
Ce dont ces patients ont besoin c’est d’un immense respect de leur personne. Une politesse convenue ne peut répondre à leur besoin qui d’ordre humain et affectif.

Primum non nocere (d’abord ne pas nuire)

Pour ne pas aggraver la confusion d’un patient, il faudrait pourvoir envisager de :

– Ne pas hospitaliser systématiquement, de chercher des solutions alternatives, et de limiter au maximum le séjour.
– Ecouter attentivement les personnes qui connaissent le malade et ses réactions, car la maladie d’Alzheimer peut connaitre une aggravation soudaine, si elle n’est pas correctement gérée. Le degré de confusion présent ne peut pas être testé en quelques minutes. Il peut changer d’une heure à l’autre en fonction du stress perçu par le patient.
– Inventer un protocole hospitalier spécifique, qui soit aussi peu intrusif que possible, qui permette de renoncer aux perfusions par exemple, qui respect le quotidien du patient en l’autorisant à porter ses vêtements habituels par exemple.
– Insister auprès de la famille pour qu’un familier soit présent en permanence, jour et nuit.
– Respecter le rythme forcément plus lent du patient, dans les interventions et les soins. Ce sont des patient à manipuler avec d’extrêmes précautions.
-Une personne pourrait être en charge du bien être moral du patient et de sa famille et donner des instructions adéquates aux autres personnes en charge.

Les ravages d’un week-end à l’hôpital

C’est le week-end de l’Ascension. Daniel souffre d’une fièvre non identifiée depuis plusieurs jours. Le médecin des urgences de Paris, me suggère de conduire Daniel aux urgences de l’Hôpital X pour des examens complémentaires. Il ajoute une remarque dont je ne comprends pas la signification : « On hésite à envoyer ce genre de patients à l’hôpital, mais il faut savoir ce qu’il a. »

Pour continuer sur ce sujet, la suite de cet article est dans le livre « Le bonheur plus fort que l’oubli ».

Des solutions à envisager dans l’article suivant.

« La maladie du temps » : un livre intelligent sur Alzheimer et le vécu du temps

la maladie du temps

Voici un petit livre (68 pages) agréable à lire, écrit par un philosophe qui recentre la maladie d’Alzheimer sur la déformation du temps vécu. Et ainsi la dépouille de tous les oripeaux dont elle est affublée la plus part du  temps : « La maladie d’Alzheimer est juste une maladie, ce n’est ni une malédiction, ni une honte, ni une punition… Il faut éviter d’en donner une image uniformément tragique et doloriste… tous les moyens ne sont pas bons pour collecter des fonds pour la recherche. » Continue reading

A prescrire dans tous les cas: de la bonne humeur!

Les neurones miroirs.
Dans le développement  de la pathologie, les neurones miroirs prennent de plus en plus de place dans le nouvel équilibre du cerveau du patient et ils jouent un grand rôle pour le meilleur et pour le pire. Rien ne leur échappe.

Ces neurones sont ceux qui permettent l’apprentissage et l’empathie, c’est à dire qu’ils sont au cœur de la relation humaine. On apprend en imitant. C’est pourquoi les enfants apprennent souvent plus vite et plus facilement que les adultes parce qu’ils imitent naturellement un geste à reproduire. Continue reading

De quoi est faite la bienveillance ?

Un aidant peut devenir un expert, un expert de plus en plus compétent, s’il corrige ses erreurs d’appréciation et de compréhension. Mais ce n’est pas à la portée de tout le monde (cf Le livre des aidants du Docteur Polydor : il faut faire un audit des aidants). Certains se disqualifient en entrée de jeu.

Comment ? Pourquoi ? Le premier obstacle c’est le refus de changement, ce qui donne :

« Je ne supporte de voir ce qu’il est devenu, ça me rend malade. »

« C’était mon point d’appui, je l’ai perdu et je me sens perdue. »

Un patient Alzheimer vit dans le présent. Il ne peut entrer en relation qu’avec des gens qui sont dans le présent et pas en train de penser à autre chose, pas en train de se sentir mal. C’est en commençant par accepter la situation présente qu’on peut essayer de la changer et pour cela on a besoin de toute son intelligence et toute sa bonne humeur. L’intelligence du cœur est l’atout principal.

Le deuxième obstacle c’est la foi en la médecine.

« C’est le boulot des médecins de guérir, de remettre les choses en l’état ». On donne les remèdes et on attend. On se défausse sur le corps médical, on démissionne. Voilà pourquoi on trouve de plus en plus de statistiques qui disent que les remèdes ralentissent la maladie pendant six à huit mois pas plus (cf le nouvel obs). Ce qui est faux, archi-faux.

Les remèdes doivent s’accompagner d’une prise en charge bienveillante et alors leur efficacité est multipliée. Ils peuvent être pris longtemps.

Pour cela il faut une certaine indépendance d’esprit, tenir à distance le discours médical d’autant plus prolixe qu’il est inopérant, tenir à distance les valeurs de la société actuelle qui veulent nous faire croire qu’on devrait tous sauter sur un velib’.

Ce qu’on remarque, hélas, c’est que ce sont ceux qui n’ont pas réussi à assurer qui font le plus de bruit, qui écrivent le plus de livres, qui s’engagent dans les associations comme bénévoles pour répandre la nouvelle : « Alzheimer c’est horrible ! » Ce qui est une attitude dépourvue de bienveillance.

Il est temps de changer de regard.

Les médecins connaissent-ils Alzheimer?

medecin et alzheimerDaniel a mal aux épaules et je l’amène chez un rhumatologue qui m’a fait beaucoup de bien. J’ai prévenu que Daniel avait la maladie d’Alzheimer quand j’ai pris le rendez-vous. Le médecin lui demande comment il va et où il a mal.

Daniel répond qu’il va bien et qu’il n’a pas de douleur. (Ce qui exact au moment où il est assis sur le fauteuil) le médecin regarde les radios et m’explique que les épaules sont très abimées et que la droite en est au niveau de la prothèse. J’essaie de digérer la nouvelle. Le médecin se met à parler de sa mère qui est morte de la maladie d’Alzheimer et il explique que c’est la maladie la pire qu’il connaisse, que ça se dégrade vite etc… etc…

Il parle comme si Daniel ne pouvait rien entendre et rien comprendre, comme s’il était un objet sans vie, un meuble. Ensuite Il fait une piqure à Daniel qui dit : « Ouille ! » Le médecin commente : « Voyez ! c’est Alzheimer : une réaction excessive pour un niveau de douleur très bas ! »

Daniel me demande : « C’est quoi Alzheimer ? » Je réponds : « C’est ce qui te fait oublier »

En sortant Daniel mouille son pantalon, il souffre que je l’aide à se changer et veut faire les choses tout seul mais il n’y arrive pas du tout. Il proteste à table quand je le sers comme d’habitude, en disant qu’il ne veut pas qu’on mette des choses dans son assiette sans lui demander. Il est beaucoup moins souriant et drôle que d’habitude. La nuit est agitée. Il mouille un peu son lit pour la première fois de sa vie. Le lendemain, il parle beaucoup, son discours est une suite continuelle et rapide de syllabes collées les unes aux autres, des débris de mots passés au mixer, avec de temps en temps des morceaux de phrases. Il dit qu’il veut … la clé pour sortir … pour aller travailler… pour gagner de l’argent… qu’il y  a des gens qui veulent se débarrasser de lui… dans les deux  ans … et qu’il doit leur montrer… si je peux téléphoner à sa mère.

Ce n’est que huit jours plus tard, après six nuits difficiles, le port de protection pendant deux jours et quatre nuits que Daniel a peu à peu retrouvé son état normal, c’est-à-dire un état où la maladie est très avancée, où le quotidien est fluide et la bonne humeur présente dans les gestes de la vie.

On voit ici les dégâts occasionnés par une parole de médecin, relayant le discours dominant d’une société qui veut croire que les patients Alzheimer sont des meubles que leur place est dans un garde-meuble.

« Avez-vous vu ce bel article du Nouvel Obs sur Alzheimer ? »

le nouvel observateurJ’entends autour de moi : « Avez-vous vu ce bel article du Nouvel Obs sur Alzheimer ? »

Un bel article qui pose l’équation « Alzheimer = le calvaire des proches ». Un pavé de plus dans la mare aux articles désespérants, tous copiés les uns sur les autres, tous voulant nous faire croire que les patients Alzheimer ont cessé d’être  des humains pour devenir des tortionnaires. Le scoop : « L’enfer c’est aussi pour les autres ». Vite, donnez de l’argent pour que vite on trouve un remède qui vite mette fin à ce cauchemar horrible. Par ici la monnaie et vive la recherche !

Sauf que c’est le contraire qui est vrai. Les patients Alzheimer sont torturés par la société et aussi par le bel article du nouvel observateur.

Pourquoi ? Comment ? Voilà des gens qui ont l’audace de perdre leur repères, de ne plus savoir quel jour on est, de ne plus savoir où ils vont,  et surtout  d’être incapables de se défendre dans la jungle de notre société moderne qui met à mort ou au placard tous ceux qui ne sont plus compétitifs, le crime suprême.

Que dire de toutes les familles, informées comme il se doit par le Nouvel Obs, dont un parent va ou vient de recevoir ce diagnostic infamant. Ils vont le regarder comment ce nouveau malade, ce tortionnaire en puissance ? Ils vont se sentir comment, qu’est-ce qu’ils vont faire ? Comment vont-ils réagir aux situations nouvelles engendrées par la maladie ? Ils seront stressés à mort et ils vont se conduire probablement de manière stupide comme tous les gens stressés. Or un patient Alzheimer est considérablement affecté par le stress en général et celui de son entourage en particulier. Voilà comment on sombre en deux minutes dans la tragédie.

Quand mon mari a été diagnostiqué, j’ai été sur le site de France-Alzheimer et j’ai juste eu envie de me flinguer pendant une bonne demi-heure. Le site aujourd’hui est plus convivial concernant la typo, mais il raconte toujours la même chose : les étapes d’une descente en enfer programmée.

De mon arrière-grand-mère, on disait qu’elle avait perdu la tête. Elle a vécu à une époque où le mot Alzheimer n’existait pas. Quelle chance !

Aujourd’hui vivre avec un patient Alzheimer, c’est véritablement voyage en terre inconnue, mais Frédéric Lopez et son équipe n’ont pas préparé la rencontre ! On passe à côté de découvertes passionnantes, d’horizons nouveaux, de nouvelles manières de vivre.

J’espère avec ce blog pouvoir guider ceux qui ont l’esprit assez audacieux pour faire ami avec cette pathologie dont il ne faut pas avoir peur (on apprivoise bien les tigres). Et vivre pleinement la rencontre avec beaucoup à découvrir, beaucoup à apprendre sur soi et les autres.