Comment la toilette peut devenir un jeu et une partie de plaisir.
La bonne humeur doit être au rendez vous. Il faut que le désir de se laver soit là même si une certaine inquiétude est présente, qui s’explique par l’extrême sensibilité du patient au moindre inconfort physique.
1-Première étape: échange de sourire dans la salle de bains.
Un visage inquiet au moment d’entrer dans la salle de bains doit être un signe de marche arrière: Veux-tu prendre la douche en premier ou en deuxième?
C’est moi qui ai choisi le moment qui m’arrange, après le petit déjeuner, que l’on prend en robe de chambre. Tout ce qui est nécessaire à la toilette, avec le souci d’un confort maximum, est préparé à l’avance.
Je lui propose de se laver les dents d’abord, ce qui permet déjà d’enlever la robe de chambre.
Souvent il dit : « Mais elle est bien ma robe de chambre! » (enlever un vêtement est toujours inquiétant) ou « Mes dents sont propres »
Moi: « Ok! Mais elles seront encore plus belles! »
Quand je vois qu’il regarde la brosse que je lui tends avec le dentifrice dessus en se demandant ce que c’est, je fais le geste de se frotter les dents. S’il hésite à se rincer, je lui montre en gonflant mes joues et en faisant « glou-glou » mais en ce moment c’est inutile, ça remarche. (cf: Les bonnes surprises du jour).
Quelquefois une pause d’une demi-minute suffit, je m’assois et je dis : « J’attends que tu sois prêt. »
2-Deuxième étape: Se mettre nu pour entrer dans la douche.
J’ouvre l’eau chaude, je vérifie la température, je ferme la porte de la salle de bains pour éviter les courants d’air.
Lui: « Je ne peux pas me déshabiller devant tout le monde! »
Moi: « Mais il n’y a que moi, je suis ta femme depuis près de cinquante ans » Lui: « Première nouvelle! »
J’ai mis un certain à comprendre que « ces gens » étaient nos reflets dans la grande glace de la salle de bains (recouverte maintenant aux trois quarts, cf la valse des miroirs). Et tout est plus facile.
Je détaille: « Il faut enlever ta montre, elle n’aime pas l’eau et la poser là, à coté des lunettes, maintenant tu enlèves le haut du pyjama » (là, je l’aide et l’accroche tout de suite à une patère sinon il peut être tenté de le remettre.) « Maintenant tu enlèves le bas du pyjama. Tu es assez grand pour le faire tout seul, là, comme ça tu le fais glisser. » C’est le moment le plus délicat. Donc j’improvise:
« Et si on chantait : A la claire fontaine?….J’ai trouvé la douche si belle que.. ».
Lui: « Mais non, j’ai trouvé l’eau si belle »….
J’ouvre la porte de la douche et je dis: « Sa majesté est attendue » ou n’importe quoi d’autre pour l’inviter à entrer et je lui demande : « Est-ce que l’eau est bonne? » Et s’il la trouve ou trop froide ou trop chaude, j’ajuste.
Je le laisse se mouiller tranquillement et je lui propose de lui laver le dos, ce qu’il accepte toujours et depuis longtemps. Je passe sous l’eau bien chaude du lavabo un gant que j’inonde de gel douche, pour éviter le cri causé par le froid du contact du savon. Et je lui demande de se tourner pour lui laver le dos. J’ai depuis peu une douche dans laquelle je peux entrer c’est pratique. Puis je lui tends le gant savonneux pour qu’il continue à se frotter en mimant les gestes sur mon corps, si nécessaire. Quelquefois il fait semblant de vouloir m’asperger pour rire. Souvent, il chante ou siffle (là je me dis: « c’est gagné! »). Je lui demande de s’asseoir sur le tabouret de la douche pour le shampoing. J’utilise uniquement du shampoing pour bébé qui ne pique pas les yeux, mais c’est froid.
Moi: « je vais très vite, on compte jusqu’à trois , un et la demie et deux et la demie et trois et c’est fini ».
En ce moment il veut se frotter les cheveux lui-même. Je lui tends le pommeau pour qu’il se rince. En général il oublie de se rincer les cheveux, je fais le geste au dessus de ma tête. Quand il me fait signe que ça suffit, j’arrête l’eau et je lui tends une serviette chaude.
3-Troisième étape le séchage.
J’ai préparé les serviettes pour qu’elles soient chaudes (j’allume le chauffe serviette avant d’aller au petit déjeuner). J’utilise maintenant deux serviettes une petite épaisse que je lui donne quand il est encore assis sur le tabouret de la douche, pour qu’il commence à se sécher bien au chaud. Et une plus grande, plus légère que lui colle sur le dos dès qu’il sort, très vite je lisse la serviette sur son dos et je la retourne et je lisse. S’il se sèche encore je le laisse faire, sinon je lui passe son peignoir chauffé aussi.
S’il fait un peu froid, je le fais asseoir et je prend le sèche cheveux ou je tamponne les cheveux avec une serviette. Un coup de peigne qu’il peut faire lui-même, c’est selon, et je lui tends son rasoir électrique après lui avoir remis ses lunettes (qui protègent les yeux du rasoir). Pendant tout ce temps là, je ne le quitte pas des yeux, (il peut être tenté de se raser les cheveux ou les sourcils). C’est le seul moment de la journée où il se regarde dans la glace. J’ai décoré une glace assez petite avec des fleurs en film plastique (cf article à paraître la valse des miroirs)
Avec son peignoir, nous allons dans la chambre pour qu’il s’habille avec mon concours tout aussi détaillé que pour la toilette.
Quand je regarde l’heure je suis la première surprise : en moins de 15 minutes, la toilette est terminée. Chaque fois qu’il chante ou qu’il siffle sous la douche ou en se séchant, je le ressens comme une récompense. Une fois qu’il est habillé en général, il me remercie et me fait des compliments. Pour lui, c’est une épreuve. Il en sort heureux et le sourire aux lèvres.
Tout ce qui concerne la toilette est crucial et délicat. Quand on est perdu dans l’océan du temps et qu’on ne maîtrise pas la succession des étapes, on ne sait pas si une fois qu’on est déshabillé, on pourra s’habiller à nouveau, si une fois qu’on est mouillé, on pourra se sécher un jour. Etre avec le patient, c’est lui assurer le meilleur confort possible, concernant le chaud, le froid, le sec, le mouillé pour qu’il puisse avoir le plaisir d’être bien dans son corps.
Pendant des années, les choses se sont passées différemment, il suffisait d’une intervention discrète pour que la toilette se déroule bien. Le protocole décrit ci-dessus est celui que nous utilisons depuis deux ans, après les 48 heures passées à l’hôpital qui ont enlevé à Daniel toute autonomie (cf Les ravages d’un weekend à l’hôpital.)