Archives de catégorie : Comprendre la maladie

Comment vivre au quoditien

Alzheimer l’ ABC

Le A de l’ABC d’Alzheimer: L’observation bienveillante

Pour pouvoir pratiquer l’observation bienveillante il faut arrêter d’avoir peur de la maladie. La peur brouille l’esprit et paralyse l’intelligence. Si on a peur de la maladie on aura peur aussi du malade et on le regardera de travers, en s’attendant au pire. Quand on lutte contre la maladie, le malade devient l’ennemi. Pour arrêter d’avoir peur, il faut se débarrasser des idées négatives qui traînent partout quelquefois mêmes sous forme de « conseils aux aidants. »

Voici deux exemples d’idées néfastes dont il faut se débarrasser au plus vite:

« Lutter contre le déni de la maladie ». L’idée est que le malade doit être conscient de sa maladie pour qu’il puisse être rééduqué, comme s’il devait d’abord avouer un crime ou une honte pour accepter le travail de stimulation  souvent imposé par les professionnels, qui cherchent à le faire revenir dans la norme. On demande à l’aidant de rappeler souvent au malade sa maladie au cas où il aurait « des éclairs de lucidité. » Le rappel de sa maladie va rendre le malade triste, le vexer ou le blesser, il sait trop bien qu’il a des difficultés quotidiennes. Ce n’est pas une raison pour appuyer où ça fait mal. Lutter contre le déni de la maladie est une manière efficace d’empoisonner la relation du malade avec son entourage.

« Faire le deuil blanc ». L’aidant doit faire le deuil de l’image de son proche atteint, un travail de deuil véritable, parce que la maladie est vue comme une mort  virtuelle, une « mort sans cadavre ». Ainsi par ce procédé pervers on dénie au malade le statut de personne vivante et on installe entre l’aidant et l’aidé une barrière infranchissable. Autre barrière la notion de démence. Quelle perspective que de vivre avec un mort-vivant ou un fou dangereux.

Alors que’à y regarder de prés la maladie peut se résumer à une perte de repères progressive et constante. En pratiquant l’observation bienveillante du malade on apprendra à connaitre la maladie en détail, à l’apprivoiser et à mesurer exactement les changements au fur et à mesure qu’ils se produisent.

Le B de l’ABC d’Alzheimer: L’adaptation aux changements

La maladie neurologique entraîne des changements progressifs et profonds dans la perception que le malade a de son environnement et de lui-même. S’il met le grille-pain dans le frigidaire, c’est facile de le critiquer et de le ridiculiser. Avec quelles conséquences ? Il va se sentir mal, pourra tomber dans la passivité ou l’agressivité, qui sont autant de refus de collaborer avec son entourage.

On met généralement l’accent sur les problèmes de mémoire car on sait très bien les mesurer. Mais ce qui est problématique dans le quotidien, ce n’est pas les pertes de mémoire –  il y a tant de sortes de mémoires- c’est la perte des repères.  Le malade fait confiance aux informations que son cerveau lui donne. Les informations relatives au temps, à l’espace, à l’extérieur et à l’intérieur de lui-même se dégradent en qualité et en quantité : le malade confond des objets plus ou moins semblables, par exemple un couteau et un tournevis, une porte intérieure et la porte extérieure, l’ascenseur et les toilettes, une image dans une glace et une vraie personne. Son cerveau n’arrive plus à faire à toute vitesse les milliers de calculs qui nous permettent de distinguer sans effort tous les objets et les êtres qui nous entourent.

Tout se passe comme si le malade traversait en sens inverse tous les stades d’apprentissages qu’il a expérimenté depuis sa naissance. C’est un processus de déconstruction des compétences qui fait passer, grosso modo, le malade de l’état d’un adulte autonome à celui d’un nourrisson entièrement dépendant. C’est pourquoi un patient Alzheimer n’a jamais tort et il ne faut jamais lui dire non. Il fait probablement de son mieux  pour s’adapter à un environnement qui lui échappe de plus en plus. Sa sensibilité augmente et il ne peut pas  discuter  des reproches qu’on lui fait, car il a perdu la capacité à argumenter. Autrement dit il est vulnérable et sans défense. Une critique pour un malade Alzheimer est un stress ingérable qui peut littéralement faire « bugger » son cerveau. C’est en général ce qui se passe lors des crises.

Dans la maladie, les émotions et la mémoire se trouvent  dissociées. Toutes le hormones qui charrient les émotions sont présentes dans un cerveau que la mémoire a déserté. La sensibilité à tout ce qui se passe dans le présent augmente  au fur et à mesure que la capacité d’abstraction diminue, que la mémoire se désorganise, que les repères s’effacent.  L’avancée de la maladie se traduit par une grande sensibilité: les malades sont de plus en plus ou très heureux ou très malheureux et passent instantanément d’un état à l’autre à la moindre sollicitation.

Tout le monde aime recevoir des compliments. Si on a attaqué le malade sur sa maladie en paroles ou en action, quelquefois un regard et un soupir exaspérés suffisent, on a franchi une ligne jaune. Pour rattraper la situation quelques compliments bien sentis peuvent aider: comme tu as bonne mine, comme tu es bien habillé…

Le C de l’ABC d’Alzheimer: Pratiquer la bonne humeur.

Pour le malade, la perte des repères est anxiogène et il a besoin d’être rassuré sur son état et sur son environnement. Rien n’est plus apaisant ni plus réconfortant que la bonne humeur de l’entourage. La difficulté c’est qu’on ne peut pas tricher sur ses sentiments avec un malade Alzheimer, qui reste un expert en émotions jusque à la fin de sa vie.  On ne peut pas faire semblant de le regarder gentiment. Il ne sera pas dupe d’une politesse de surface ou d’une apparence de respect. Pour pouvoir transmettre de la bonne humeur à un patient, il vaut mieux déborder de bonne humeur.

Comment? C’est une question existentielle à la quelle chacun doit trouver une réponse personnelle. Le premier pas est évidemment d’accepter la maladie pour ce qu’elle est, de lui donner sa place, ni plus ni moins.

Il est important de bien se connaitre et de savoir ce qui peut nous rendre notre bonne humeur quand nous l’avons perdue. Curieusement dans cette recherche de bonne humeur, le malade peut nous aider d’une manière indirecte. Il vit dans le présent. Il vit dans la relation. Ce qui compte pour lui c’est ce qu’il voit maintenant, ce qu’il ressent ici, il n’a plus de passé, plus d’avenir, plus d’idées toutes faites pour s’y accrocher. Il est entièrement là. C’est bien plus facile d’être de bonne humeur si on ne se préoccupe ni du passé ni de l’avenir, si on arrête de s’inquiéter pour des choses qui ne sont pas arrivées, si on arrête de regretter ce qui aurait pu se produire, ailleurs ou un autre jour, si on se met à vivre là où on est, moment après moment. Le présent reste le lieu privilégié du bonheur.

 

 

 

 

 

 

 

Savoir trouver de l’aide pour Alzheimer près de chez soi

Des aides multiples avec des noms bizarres

Dans le quotidien bouleversé provoqué par la maladie, souvent les personnes concernées ne savent pas vers qui se tourner pour  trouver l’aide nécessaire.

Il y a des plus en plus d’initiatives publiques et privées et d’aides disponibles et souvent ces aides ne sont pas utilisées car elles ne sont pas connues du grand public.

Elles se présentent sous forme de sigles, dans lesquels il n’est pas facile de se retrouver.

Il faut savoir que MAMA veut dire = Maladie d’Alzheimer et Maladies Apparentées.

Voici un rapide survol de ce qui existe aujourd’hui : Continue reading

Alzheimer: Accompagner ceux qu’on aime et les autres

Alzheimer: Accompagner ceux qu’on aime et les autres. C’est le titre du nouveau livre de Colette Roumanoff qui parait cette semaine dans la collection LIBRIO. Prix de vente 3€.

Ce livre d’une centaine de pages compte 29 chapitres très courts qui traitent de tous les aspects qui posent problème quand on doit vivre avec cette maladie. Il importe de bien comprendre qu’il s’agit d’abord de recadrer tout ce qu’on croit savoir sur cette maladie qu’on connait si mal.

Il importe de distinguer la connaissance dite scientifique qui progresse sans que cela ait le moindre effet sur la vie quotidienne des malades et la connaissance pratique du terrain qui échappe encore largement au corps médical.

Un malade Alzheimer peut vivre heureux et cela n’est pas un contresens. Si le malade a le sourire, ceux qui l’entourent ou qui en prennent soin vont voir la vie en rose, tout le monde en conviendra. Continue reading

Conférences Colette Roumanoff avec dédicace

Voici la liste des conférences prévues à ce jour, généralement suivies d’une dédicace du livre « Le bonheur plus fort que l’oubli. »

Mardi 16 mai 14h Paris porte de Versailles, Congres de la FHP  HealthCare Week

« Demain tous Alzheimer? » (encore un un titre sexy!!) Je parle en début d’après midi après Philippe Amouyel du Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille.

Jeudi 18 mai Tournai Belgique Congres de la ligue Alzheimer de Belgique

C’est le 25eme colloque annuel et je prend la parole à 11h

Mardi 13 juin Courbevoie à 19H La Buissonnière 127 Rue de Normandie

« Comment bien vivre avec la maladie d’Alzheimer »

inscription par téléphone : 01 80 46 83 43 / par mail : alzheimer.courbevoie@cegetel.net

mercredi 20 septembre de 16h00 à 17h30  Mairie du 9eme

6, rue Drouot Paris 9eme  Entrée libre

« Comment bien vivre avec Alzheimer »

Mercredi 4 octobre à Chartres salle André Malraux de Luisant ( commune voisine de Chartres)

dans l’après midi horaire a définir

« Comment bien vivre avec Alzheimer »

Samedi 7 octobre La Cause des Ainés 4 Faculté de Médecine Paris Site des Cordeliers

21 rue de l’Ecole de Médecine 75006 Paris

Titre: Et si Alzheimer et Autisme avait un lien?

Je participe à deux tables rondes le samedi après midi

Une statistique choc pour répandre la peur

Dans le domaine des statistiques il y en a qui plaisent beaucoup, elles ont l’art de frapper les esprits, de se présenter comme un résumé du savoir de notre époque. Elles ont la force de la rumeur et une longue vie devant elle.

Une statistique choc

Le 28 janvier, je suis passée dans une émission sur LCI . Au cours de l’émission, que l’on peut voir en replay,http://www.lci.fr/replay/replay-au-coeur-de-nos-differences-alzheimer-la-maladie-qui-efface-2024482.html on voit une réunion d’aidants, tranquillement assis au tour d’une table, et on entend : « Un tiers des aidants de plus de 60 ans meurent avant leur malade ». Et d’un seul coup le spectateur un peu imaginatif, et je le suis moi-même beaucoup, voit les têtes de ces braves gens tomber une à une autour de la table. Voilà une info-choc faite pour frapper les esprits et les cœurs.

Cette statistique-choc est répétée en chœur dans toutes sortes d’émissions de radio ou de télévisions, dans les informations et les formations pour les aidants. Ainsi, on continue à faire de la maladie d’Alzheimer la peste des temps modernes. Il ne faut pas s’étonner ensuite que les malades soient regardés comme des pestiférés.

A la recherche de la source

La journaliste m’a répondu que la source était France Alzheimer. J’ai interrogé son président Joël Jaouen. Il se retranche derrière la Fondation Médéric Alzheimer:  » Dans une interview  M. Bérard, sur France 2 avance lui le chiffre de 40% ! Alain BERARD est médecin de santé publique, directeur adjoint de la Fondation Médéric Alzheimer, chef de la Cellule de Coordination, Prospective et Stratégies (CCPS). Je l’interroge à son tour: quelle est sa source?

Ce sont les recommandations de la Haute autorité de Santé de févier 2010, un document de 28 pages bien denses que j’ai lu et relu. On y trouve en grand nombre de statistiques d’origine diverses,  dont aucune n’est validée scientifiquement.

Le paragraphe 1.10 donne le principe général de la gradation des recommandations. A, B ou C, un peu comme les notes que l’on donne à l’école, pour valider les statistiques. Aucune des statistiques retenues n’a été validée pas même avec un « C ». Et suit une phrase magique: « En l’absence d’études, les recommandations sont fondées sur un accord professionnel. L’absence de gradation ne signifie pas que les recommandations ne sont pas pertinentes ni utiles ».

En remettant la phrase à l’endroit, ça donne: Nous n’avons pas besoin de preuve pour affirmer ce que nous disons car nous sommes la Haute Autorité de Santé.

La formule originale

Et voila la formule source qui se trouve dans l’annexe 1 du plan Alzheimer et qui a donc presque force le loi: « Il existe un risque de surmortalité de plus de 60% des aidants dans les 3 années qui suivent le début de la maladie de leur proche. »

C’est un peu gros, ça ne fait pas forcément très sérieux,  et on voit que la formule s’édulcore petit à petit : 60% devient 40% et puis 33%.  Le risque de surmortalité concerne les aidants de plus de 60 ans (pas les autres donc), il n’est plus question des trois ans qui suivent le diagnostic, mais juste de mourir avant son aidé. Celui ou celle que vous aidez vous pousse au tombeau tout de même.

Que les aidants de patients Alzheimer aient besoin d’aide. Je le sais et c’est la motivation de ma prise de parole publique. Les aidants ont besoin avant tout d’être rassurés, d’être valorisés, de comprendre ce qui se passe et de savoir comment on peut y remédier. Or quand on a un proche atteint de cette pathologie, voici avec quelles « informations » on vous assomme:

  1. qu’il est dément (ce qui est faux), les médecins a oublié que le mot « dementia » en anglais n’a pas la connotation effrayante du mot « dément » en français.

2. que la maladie est incurable (ce qui est vrai)

3. que vous mettez votre santé en danger en augmentant de manière considérable votre risque de mourir du simple fait de prendre soin d’un patient Alzheimer (statistiques perverses à l’appui). Soyons logiques: Fumer ou boire, ou se droguer ce serait meilleur pour la santé!

4. qu’un jour il ne vous reconnaîtra pas… qu’il va vous agresser… devenir un légume… etc

Tout se passe comme si

Ces « informations » dramatiques sont répétées à l’infini par les journalistes, ceux qui font de « la formation pour les aidants », ceux qui écrivent sur la maladie, qui en parlent. La rumeur devient énorme, écrasante et elle a de quoi endommager lourdement les relations aidant-aidé.

On découvre alors que les aidants sont stressés, déprimés, malheureux en un mot. Et le corps médical a l’hypocrisie de se demander pourquoi.

Tout se passe comme si notre société ne savait plus quoi inventer pour se débarrasser à bon compte de ces personnes considérées comme de citoyens de seconde zone, des indésirables.

Tout se passe comme si les associations de patients avaient à cœur de terroriser les gens avec la maladie qu’ils sont censés prendre en charge. Le pompon revient en ce moment à l’association de cardiologie qui diffuse des pub glaçantes à la télé. Dans un but toujours le même: délier le portefeuille des peureux et faire pression sur les pouvoirs publics.

Cette statistique sert à justifier la masse d’argent public qui devrait aller au plan Alzheimer. Comme me l’écrit le président de France Alzheimer: « En ce qui me concerne je pense, au contraire, qu’en communiquant sur ces études nous devons notamment faire réagir les pouvoirs publics sur une vraie prise en charge de la maladie. »

Il apparaît clairement que cette statistique n’est pas scientifique mais politique. 

Cette statistique n’est pas prés de disparaître car notre société adore les victimes. Avec elle, tous les aidants deviennent des victimes. Alors une fois qu’ils sont bien assommés, vite volons à leur secours!!!

Mon conseil: oubliez la vilaine formule le plus vite possible, elle ne vous concerne pas, c’est de la science-fiction.

et voici l’extrait de l’émission où je suis interviewée:

https://www.facebook.com/bienvivreavecalzheimer/videos/1800204506907290/

Le salon du Livre Santé et Bien-être à Lorient

Au salon du livre Livre Santé et Bien-être à Lorient qui se tiendra le samedi 11 et le dimanche 12 mars 2017 au Palais des Congrès – LORIENT de 10h à 19h
Colette Roumanoff donnera une conférence Dimanche de 13h30-14h30 Salle Colbert sur le thème: « Comment Bien vivre avec Alzheimer »
Elle animera ensuite  de 15h à 16h – Salle des Porcelaines un atelier théâtre : « Uniquement pour le salon, Colette propose un atelier très original et constructif pour les aidants d’un proche atteint d’Alzheimer. Une autre façon pertinente d’appréhender la maladie et le malade. durée 1h – 20 personnes maxi. »

tout le programme est sur ce lien:

http://www.lorient.fr/tout-lagenda/detail-dun-evenement/event/salon-du-livre-sante-et-bien-etre/

 

Deux Conférences en Janvier 2017

A Paris, le Jeudi 26 Janvier 2017 de 19h30 à 21h30

Forum104 – 104 rue de Vaugirard 75006 Paris

Comment vivre avec Alzheimer? Lorsque Colette Roumanoff découvre que son mari Daniel est atteint de la maladie d’Alzheimer, elle décide de tout faire pour échapper à la tragédie annoncée. S’attachant à observer les réactions du malade, ce qui le contrarie et ce qui l’inquiète, ce qui le fait sourire et ce qu’il aime, ce qui l’angoisse et ce qui le rassure, elle réussit à apprivoiser la maladie, à réduire les difficultés quotidiennes pour laisser jusqu’à la fin une place au bonheur de vivre. C’est ce qui rend son témoignage si accessible, si encourageant et si utile.

Colette ROUMANOFF  dirige depuis 25 ans une compagnie de théâtre parisienne. Elle a écrit avec sa fille Valérie La Confusionite, une pièce ludique et pédagogique sur Alzheimer. Elle a créé le site www.alzheimer-autrement.org et tient également un blog : bienvivreavecalzheimer.com.

Le Forum 104 est un Espace de rencontre culturel et spirituel

Participation aux frais : 10€  – Adhérents : 5€

contact: Inès de Beaupuis 06 89 55 17 03 inesdeb@free.fr

 

A Louvain la Neuve, le Mardi 31 Janvier de 14h15 à 16h15

UDA Auditoire UCL-Socrate 010, Place du Cardinal Mercier,

12B-1348 Louvain la Neuve. Belgique

Vivre heureux avec Alzheimer? Colette Roumanoff repense la pathologie et porte un nouveau regard sur le patient Alzheimer. Retrouver le sourire et le rendre. Est-ce un travail? Non, ce sont plutôt des savoir-être et des savoir-faire qui se cultivent. Juste une autre manière de se positionner au jour le jour, dans la vie quotidienne.

L’UDA, université des aînés est associée à l’Université catholique de Louvain

secrétariat mail: cgf@universitedesaines.be

 

Quand les médicaments Alzheimer ne sont pas supportés

J’ai reçu ce commentaire: « Ma mère âgée de 85 ans n’a supporté ni l’Exelon en patch ni l’Aricept. Nous avons dû tout arrêter. Non seulement à cause des effets secondaires gastro intestinaux mais surtout l’état de ma mère s’est aggravé suite à la prise de ces deux produits. »
L’idée que les médicaments Alzheimer puissent aggraver la maladie m’a interpellée et pour en savoir plus j’ai interrogé le Docteur Drunat, voici sa réponse.

Pour certaines personnes les médicaments provoquent un inconfort physique

Dr Drunat: Certaines personnes ne supportent pas les médicaments de type IACE. (inhibiteurs de l’acétylcholinestérase) Cela est dû à une sensibilité individuelle. Les troubles digestifs sont les plus fréquents en lien avec une action sur le système nerveux périphérique.

L’inconfort physique généré par le médicament explique en partie la « décompensation cognitive » et certains troubles du comportement. Avec ce type de médicament, Il n’y  a pas d’aggravation documentée de la maladie. La réversibilité à l’arrêt du traitement est un argument supplémentaire pour penser que ce n’est pas la maladie qui évolue.

Les médicaments Alzheimer n’aggravent pas la maladie

Colette Roumanoff: J’ajoute que nous savons tous que le stress aggrave la maladie et si l’état d’inconfort stresse la malade et son entourage, cela peut voir un effet sur l’état général, qui ne sera pas dû directement à l’effet des médicaments.

Dr Drunat: Ces médicaments augmentent le taux d’acétylcholine dans la fente synaptique. Ils pourraient être délétères chez les personnes n’en manquant pas. En cas de mauvais diagnostic on pourrait imaginer qu’il y a comme une intolérance. C’est logique, mais  nous disposons d’aucune donnée scientifique dans ce sens. La seule chose que l’on peut dire, c’est que les volontaires sains n’ont pas été particulièrement décrits comme incommodés par ces traitements.

Colette Roumanoff: J’ajoute que nous savons que le moindre bobo prend des proportions énormes avec cette maladie et que l’inconfort, quelque soit son origine, se traduit normalement par ce qu’il est convenu d’appeler des « troubles du comportement. » Ce qui nous met immédiatement sur la piste d’une action à entreprendre pour supprimer la cause du trouble.

Dr Drunat: L’efficacité de ces traitements est conditionnée à plusieurs facteurs comme génétiques, le stade de la maladie, les facteurs de risques associés tel le risque cardiovasculaire  ainsi que toutes les approches eco-psycho-sociales associées. Nous ne sommes pas encore capables de tous les identifier et donc choisir les patients pour qui le bénéfice est optimal.

 Une observation fine et quotidienne du malade est indispensable

Colette Roumanoff: J’ajoute que l’observation du malade est la clé de voûte du traitement. Cette observation doit être attentive et circonstanciée. Il faut éventuellement noter les avancées et les reculs du savoir-faire concernant la vie quotidienne. Il faut les détailler lors de la visite au gérontologue ou au neurologue. La maladie ne se voit pas, elle se déduit de la difficulté du malade à s’adapter à son environnement et à mener une vie qui lui convient.

Mon correspondant termine son commentaire par ces mots: « Actuellement elle va plutôt bien, tout du moins son état est stable sans médicaments. » C’est la seule chose qui compte améliorer l’état du malade! Donc Bravo!! L’amélioration peut aussi passer par la prise de médicaments, comme en témoignent de nombreux autres commentaires.

L’intérêt des médicaments dans l’accompagnement

J’ai été interviewée par RMC sur l’intérêt des médicaments dans l’accompagnement du malade alors que la Haute autorité de la Santé a estimé que ceux-ci, faute d’efficacité, ne devraient plus être remboursés par la Sécurité sociale. J’ai ajouté les sous titres et des phrases en italique pour mieux expliquer mon point de vue.

Une vie intéressante

« Mon mari a vécu avec cette maladie pendant 10 ans et nous avons vécu heureux avec cette maladie. C’est pourquoi j’ai écrit un livre (Le bonheur plus fort que l’oubli) dans lequel j’explique comment on peut tout à fait traiter autrement qu’on ne le fait d’habitude un malade alzheimer de façon à lui garder une vie intéressante. Et pour cela, le fait de prendre des médicaments aide. 

Au début, mon mari se perdait même dans la rue dans laquelle on habitait. A partir du moment où il a pris l’Aricept (un des médicaments visés par la Haute autorité de la Santé), il ne se perdait plus dans cette rue-là, il pouvait aller plus loin. Il marchait entre deux et quatre heures tous les jours. Il a développé des stratégies à lui, qui lui permettaient à sa façon de se repérer. Il a gardé une autonomie intéressante pendant plusieurs années. Il a pris ce remède pendant cinq ans.

On peut tester soi même l’efficacité des médicaments

Après, il lui est arrivé une aventure très pénible. Il a été 48 heures à l’hôpital où on lui a donné des calmants. Ce qu’on ne devrait jamais faire sans prendre beaucoup de précautions. Ça devrait être interdit de donner systématiquement des calmants à un malade Alzheimer. Il a donc perdu toute son autonomie en 48 heures.

Ensuite, il a pris avec l’Aricept un autre remède, l’Ebixa (lui aussi dans le viseur de l’HAS), qui l’a aussi beaucoup aidé. De temps en temps, comme on disait que ces médicaments ne marchaient pas, j’essayais d’arrêter. Mais je voyais que la situation empirait donc je reprenais les médicaments et son état s’améliorait. J’ai fait ça plusieurs fois pendant ces dix ans et ce n’est que la dernière année qu’il n’a pris aucun remède parce que ça ne faisait effectivement plus aucun effet.

 Il y a au moins 70 stades dans la maladie

La maladie d’Alzheimer n’est pas une et indivisible comme la République. C’est une maladie dans laquelle il y a au moins 70 stades et qui est très différente suivant la façon dont le malade est entouré et  l’environnement dans lequel il vit. Il est évident que les malades qui sont enfermés toute la journée, qui restent devant la télé, si on leur donne des médicaments ou non la différence est nulle. Il est certain que si quelqu’un s’imagine que le médicament, en lui seul, va faire de l’effet, ce n’est pas vrai. Le médicament fait de l’effet à condition qu’il y ait un accompagnement. Il faut que le malade ait une vie intéressante, qu’il fasse des tas de choses. A ce moment-là, les médicaments sont extrêmement intéressants.

A chaque stade, à chaque individu, un traitement différent

La plupart du temps, les gens luttent contre Alzheimer avec des calmants qui attaquent énormément l’état du cerveau des malades. A ce moment-là, on peut leur donner n’importe quoi ça ne fait plus d’effet. Si mon mari n’avait pas eu ces médicaments pendant des années, il n’aurait pas eu la vie aussi confortable qu’il a eue. C’est sûr et certain.

En revanche, ces médicaments ont souvent des inconvénients désagréables. Il y a des gens qui ne les supportent pas parce qu’il y a non seulement des neurones dans le cerveau mais aussi dans les intestins. Cela peut donc créer des problèmes, et mon mari en a eu. Mais, quelque part, il les supportait quand même. C’était donc mieux qu’il ait ces petits dérangements intestinaux et qu’il puisse se repérer de façon plus fluide, plus facile dans la vie ordinaire. C’est une question de cas par cas. Mais dire comme ça, qu’en général, ces médicaments ne font rien, c’est vraiment une idiotie sans nom ».

C’est un des grands maux de notre société de vouloir tout réduire à des simplifications ridicules et à des amalgames fallacieux, comme si la vie publique allait s’en trouver facilitée. On supprime les problèmes comme cela on n’a plus besoin  de chercher les solutions.

Vite chacun doit rentrer dans sa case et ne plus en sortir. La case que la société tend aux malades d’Alzheimer est juste  un enfer, fait de privation de liberté, de suppression des droits les plus élémentaires, de non respect de la personne. Pour justifier le traitement  qu’on fait subir au malade Alzheimer la société en a dressé un portait robot éloquent: celui d’une personne au regard vide, perdue dans un prostration définitive. La mal de l’affaire est que beaucoup de gens aujourd’hui sont convaincus de la pertinence de cette image. C’est pourquoi cette maladie fait si peur. Or dans le pire des cas ce sera une approximation du dernier des 70 stades de la maladie.

A quoi ressemblent ceux et celles qui évoluent dans les 69 autres stades? La Haute autorité de la Santé devrait pouvoir répondre à cette question avant de se prononcer sur l’utilité des médicaments.