Alzheimer : comment réagir face à la perte de mémoire d’un proche ?

Réponses avec Colette Roumanoff et le professeur Claude Jeandel, qui seront présents aux Estivales de la Fondation Partage et vie à Paris, le 19 juin prochain, en partenariat avec « Le Point ».

Cet Article rédigé par Par Clémence de Ligny a été publie sur le site internet du POINT le 02/05/2024 à 16h00

Colette Roumanoff et son mari Daniel, en février 2015. 
Colette Roumanoff et son mari Daniel, en février 2015.  © DR

Temps de lecture : 4 min

« Il était 2 heures du matin. Mon mari se lève d’un coup et se met à défaire son lit, à balancer draps et couvertures, à s’agiter dans tous les sens. Ça n’était jamais arrivé avant. » Sur le moment, Colette Roumanoff ne sait pas quoi faire. Son mari, Daniel, décédé en 2015, est atteint à l’époque de la maladie d’Alzheimer. Et, s’il entre dans une telle agitation en pleine nuit, c’est parce qu’il souffre d’une rage de dents. Une douleur qu’il est incapable de situer et de nommer.

« Alzheimer, ce n’est pas qu’une histoire de mémoire, c’est aussi une perte de repères, extérieurs comme intérieurs », explique celle qui a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet et tient le blog Bien vivre avec Alzheimer. Elle sera aussi présente à la 5e édition des Estivales de la Fondation Partage et vie, consacrée à la mémoire et organisée en partenariat avec Le Point, le 19 juin prochain à Paris.

« La personne malade peut avoir mal quelque part sans pouvoir le dire, car son cerveau ne lui fournit plus les informations sur ce qui se passe dans son corps, développe-t-elle. À la place se déclenche une agitation qui n’a rien à voir avec le problème. À l’extérieur, elle peut confondre des choses qui se ressemblent, comme une éponge avec une tartine de pain, tandis que son environnement lui paraît de plus en plus compliqué et illisible. »

Une maladie de la gestion de l’information

« Lorsqu’on parle de troubles de la mémoire, on doit rappeler l’importance de l’encodage, qui est, avec le stockage et la récupération, l’une des trois étapes du processus de mémorisation », explique Claude Jeandel, professeur de médecine interne et gériatrie, conseiller médical de la Fondation Partage et vie, également intervenant aux Estivales. « La personne présentant un trouble neuro-cognitif ne parvient plus à encoder les nouvelles informations, à les fixer et, par conséquent, à les restituer », complète-t-il.

Les troubles neuro-cognitifs peuvent, en fonction du stade de la maladie, atteindre l’ensemble des fonctions cognitives : la(les) mémoire(s), le langage écrit et oral, l’orientation, le raisonnement, le jugement, la coordination des gestes (les praxies) et les gnosies ou reconnaissances. « Ils s’associent, plus ou moins précocement et en fonction de la maladie, aux troubles psychologiques et/ou du comportement, poursuit le gériatre. Ce sont surtout ces derniers qui sont difficiles à accepter par l’entourage et retentissent sur le fardeau de l’aidant. »

Maintenir la confiance

Rester calme, ne pas s’énerver ni se montrer contraignant sont autant d’attitudes à adopter face à une personne malade. Avec la confusion et la perte de repères vient un sentiment d’insécurité croissant. Et c’est en maintenant l’insécurité et le stress aussi bas que possible que l’on ralentit l’évolution de la maladie.

« On interprète souvent les comportements de ces personnes à travers notre propre prisme. Par exemple, on se dit que, s’il s’en va, il fugue, alors que pas du tout ! Il cherche les toilettes ou autre chose, analyse Colette Roumanoff. S’énerver va empirer la situation. La personne va se sentir mal et c’est là qu’elle va oublier votre prénom ou devenir agressive. »

Tout comportement a un sens

Ce qui a aidé Colette Roumanoff à accompagner son mari pendant les dix années qu’a duré sa maladie, c’est de l’observer, de comprendre son fonctionnement : « Il y a un mode d’emploi qui est finalement très simple. À chaque situation, son remède et, si on ne sait pas où est le problème, on peut toujours essayer de détourner l’attention, de se raccrocher à ses habitudes et sa routine. »

Une façon de faire qu’approuve totalement Claude Jeandel : « Le mot clé, c’est la compréhension. Avant de recourir aux traitements médicamenteux, il faut analyser le comportement, repérer les changements et essayer de trouver des explications, qu’elles soient médicales ou liées à l’histoire de vie de la personne. » Et c’est peut-être sur ce dernier point qu’insiste le plus le gériatre.

Trouver une réponse adaptée nécessite une connaissance approfondie de la personne, comme le note encore le médecin : « Vous ne pouvez pas comprendre quelqu’un ni son comportement si vous n’avez pas un minimum d’informations sur ce qu’il a été, la profession qu’il a exercée, ses expériences de vie, ses relations aux autres, son état d’esprit… Ce sont des maladies aux expressions cliniques plurielles qui impliquent une analyse minutieuse, au cas par cas, des déterminants. »

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