Quand le langage médical dérape: Madame vous n’avez plus de mari!

On sait que les thérapies non médicamenteuses peuvent apporter un confort certain au malade et à son entourage dans les maladies neurocognitives de type Alzheimer qui ne sont pas guéries par la médecine actuelle.

Un correspondant m’adresse le témoignage suivant: Après avoir attendu plus de trois mois un rendez vous avec un neurologue pris pour mon père, ma mère a été bouleversée par la parole du médecin qui lui a déclaré en la regardant droit dans les yeux et en présence du malade: « Madame vous n’avez plus de mari. »

Ce scénario est connu depuis longtemps et je suis tout de même étonnée qu’il se pratique encore si brutalement. Le malade est traité comme un meuble qui ne sent rien, ne comprend rien et ne se souviendra de rien. Ce qui évidemment est totalement faux, comme n’importe quelle aide-soignante non-diplômée pourra le dire parce qu’elle a une expérience directe des malades vivants. Pour certains médecins une personne humaine peut se réduire à l’image figée d’un scanner du cerveau.

Ainsi la machine médicale à faire peur continue à répandre autour d’Alzheimer l’incompréhension, le découragement, la dépression, le sentiment d’impuissance. J’ai vécu moi-même plusieurs fois ce genre de scène pour la comprendre de l’intérieur. Un jour que j’expliquais dans une conférence que l’important était d’éviter de stresser le malade pour qu’il puisse utiliser au maximum ses ressources, un homme s’est levé au fond de la salle et d’une voix remplie d’autorité a déclaré: « Je suis médecin, je dirige un Ephad, je peux vous affirmer qu’un jour votre mari ne vous reconnaitra pas. Vous serez pour lui une parfaite étrangère. » Après quoi, la salle pensant que je racontais n’importe quoi a cessé de m’écouter. Pourtant c’est lui qui avait tort, complètement tort, totalement tort. Mon mari m’a reconnue jusqu’au bout.

Tout dépend de la qualité de la relation que l’on arrive à tisser avec le malade, tout dépend de son sentiment de sécurité, du degré de confiance qu’il a dans les personnes qui le prennent en charge. Ce neurologue ignore certainement une vérité pourtant simple à comprendre: On peut vivre heureux dans sa maison ou ailleurs même si on ne connait pas son adresse. Ce sont des variables indépendantes.

5 réflexions sur « Quand le langage médical dérape: Madame vous n’avez plus de mari! »

  1. Yves Jayet

    Dans les dernières années de l’accompagnement que j’ai pu faire, il y avait une intensité de regards, de gestes, de tendresse, qui tous touchaient au cœur. Il n’y avait plus le langage. Le message silencieux, était clair : je suis là, présente. Et tous les visiteurs ou proches qui venaient pour donner d’eux-mêmes avec l’esprit ouvert et bienveillant repartaient avec le sentiment d’avoir reçu quelque chose de subtil et profond. Il doit y avoir quelque chose comme un effet miroir entre aidant et aidé.

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  2. Amélie

    Bonjour,
    J’accompagne des aidants de personnes malades et combien ne se sont pas retrouvés face à de tels médecins ! L’aidant panique et sombre dans une période de désespoir qui nuit à sa santé mais aussi à celle de son proche qui se rend bien compte que quelque chose ne va pas, que la personne qu’il aime est malheureuse.
    On arrangerait tellement la situation de l’aidant et de la personne malade si on les accompagnait à comprendre la maladie, à savoir que l’on peut s’aimer et partager de doux moments jusqu’au bout.

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  3. HUBERT DEnise

    C’est tellement vrai ; C’est aussi trop souvent l’opinion de l’entourage ; « Il est dans son monde ».
    Moi j’ai décidé qu’il me reconnaissait. Je le vois dans ses yeux ; ses yeux qui sourient, qui voudrait parler. Je mets de la musique dans sa chambre et il se détend. Non il n’est pas mort. J’aime beaucoup cette phrase : je me souviens pour deux
    Merci pour vos paroles si réconfortantes et vos conseils.

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    1. Simone FOASSIER

      Pour l’avoir vécu, un malade Alzheimer continue à avoir des sentiments, et même davantage qu’une personne en bonne santé ! Mon mari n’aurait pas pu dire « voici ma femme » car le mot n’avait plus de sens pour lui, mais, jusqu’à la fin, il m’a reconnue comme telle, de même que pour notre fille et notre fils. La question est : pourquoi la plupart des médecins nient-ils cette réalité, qu’est-ce qui les arrange dans ce discours ?

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  4. GUYOT Michèle

    Vous avez tout à fait raison. Je suis aussi persuadée que la mémoire du « COEUR » continue de fonctionner, et que la personne malade est très sensible aux personnes qui lui veulent du bien.
    J’ai moi aussi des expériences très douloureuses de prise de conscience, chez mon mari, de la perte de ses capacités et de phrases assassines. C’est d’ailleurs très déroutant car à coté de ce qui apparait comme un désintéressément total, chez le malade, il suffit d’une phrase « assassine », pour déclencher des grandes souffrances qui elles, s’expriment avec beaucoup de réalité.
    Merci pour vos conseils intelligents et basés sur l’amour et la patience. Sans ces 2 Grandes qualités, l’accompagnement est impossible.

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