« Nous essayons de dialoguer mais l’agressivité développée par ma mère à notre égard est disproportionnée et non fondée, elle développe un délire de persécution et ne se remet plus jamais en question, chaque tentative de dialogue nous éloigne un peu plus. »
Ce que vous décrivez est tout à fait classique. Un malade azheimer perd ses repères et sa capacité à raisonner. C’est inutile de « lui faire entendre raison » et de s’imaginer qu’il va avoir les mêmes comportements qu’il avait avant d’être malade. Ce n’est pas un délire de persécution c’est juste une perte de repères due à la destruction des neurones et des synapses.
Il n’y a qu’une attitude à avoir vis à vis de la malade: sourire, gentillesse et approbation. Ainsi vous aurez une chance d’établir un nouveau contact avec votre mère. Vous pouvez vous remettre en question, reconsidérer la situation, elle pas. Elle n’en a pas les moyens neurologiques. Si vous la critiquez vous la mettez en échec , vous la stressez et son cerveau va se bloquer, « bugger ». Tout va empirer, comme vous l’écrivez: « chaque tentative de dialogue nous éloigne un peu plus » En clair, elle ressent votre dialogue comme une attaque en règle.
J’explique cela en détail dans mes livres et sur ce blog. C’est le B.A. BA de Alzheimer. C’est la première chose à savoir et à comprendre. C’est bien dommage que ces informations ne soient pas davantage répandues dans les médias et le milieu médical. Cela éviterait bien des drames et des malentendus. Les aidants verraient leur rôle de façon plus claire.
Pour aider le malade, il faut lui fournir d’autres repères et l’apaiser. Dans ce travail délicat, le seul guide est le malade, il faut l’écouter et prendre au sérieux tout ce qu’il dit, pour être en mesure de le comprendre, de voir où sont ses difficultés d’aujourd’hui qui ne seront pas les mêmes demain, et de l’aider véritablement.
Et d’abord OUI, OUI et encore OUI. Évitez le NON ou alors assortissez le d’un OUI: « ça non mais ça oui ». Il y a des petites phrases magiques que l’on peut utiliser sans modération: « Tu as bonne mine…tout va bien… tous les problèmes sont pour moi…, Je vais arranger ça… Est ce que tu veux bien faire ceci? »
Critiquer un malade, le remettre en question, lui reprocher sa maladie c’est à dire son manque de neurones et sa nouvelle manière de fonctionner c’est comme prendre l’autoroute en sens inverse. La catastrophe est certaine et sera grave. Difficile ensuite de ramasser les morceaux. Un malade qui a été critiqué ou méprisé par son entourage s’en souviendra. Il fait confiance aux informations que son cerveau lui donne et il va se méfier de ceux qui l’ont mis en échec, ou le prenne pour un fou délirant. C’est si facile de briser une relation de confiance fragilisée par la maladie et si difficile à réparer ensuite.
Une correspondante a écrit dans un commentaire sur ce blog: « Avant je ne reconnaissais plus ma mère , j’ avais une étrangère dans le corps de maman, mais avec le déclic que j ‘ai eu, elle est réapparue et ça fait du bien à nous deux » C’est à dire: si vous ne reconnaissez plus la malade, elle ne vous reconnait pas non plus. Si vous la reconnaissez à travers les changements qu’elle exprime à cause de la maladie, elle vous reconnaîtra et vous témoignera son affection. Vous obtiendrez sa collaboration active dans les gestes du quotidien.
Une dernière chose, les neurones miroirs sont à l’oeuvre comme chez les enfants, ils occupent une place libérée par les neurones du raisonnement. Un malade ressentira votre état intérieur plus précisément que vous mêmes. Avant de l’aborder soyez calme et serein. La situation est délicate certes, mais vous avez assez de ressources pour vous débrouiller avec. Faites vous confiance. Ne craignez pas de faire des erreurs. C’est en faisant des erreurs qu’on apprend.