Aux ateliers théâtre organisés par Le bistro Mémoire de Rennes, j’ai rencontré Marie-Annick qui a baptisé la maladie d’Alzheimer « la Grignoteuse ». Avec un tel nom de baptême voilà la maladie réduite à une dimension familière. Ce nom me fait penser à une souris qui s’introduirait là où elle n’a que faire, inconsciente du mal qu’elle provoque, et qui ne peut s’arrêter puisque sa nature est justement de grignoter. Marie-Annick a accompagné son époux, diagnostiqué à 56 ans, jusqu’au bout. Cette maladie bien sur a changé sa vie. Voici quelques extraits des textes qu’elle a écrit, porteurs d’un regard pénétrant, d’un talent de poète et d’une âme de philosophe, publiés avec son accord.
Il faut Accepter pour pouvoir Accompagner et s’Adapter
C’est ce que Marie-Annick appelle « la règle des 3 A » . Cette règle est bien sur incontournable. Elle se sert des mots pour avoir une prise sur les événements, elle écrit: » En face d’Alzheimer, se trouve l’Aidant qui est Armé de son Amour pour Accompagner le malade… S’Adapter en permanence…Agir pour deux non à la place de l’Autre, Anticiper, s’Approprier la situation, être Attentif, en Alerte, Acteur le plus possible… »
Tout a commencé pour elle par une période difficile faites d’incompréhensions et de souffrances. Enfin au bout de deux, trois ans, le diagnostic est tombé: son mari ne faisait pas de dépression, il avait des troubles cognitifs. Ce fut un soulagement, avant de devenir une source d’inquiétude et de changements.
Depuis l’arrivée de la Grignoteuse dans notre vie, nous avons vu la route de notre vie à deux se rétrécir pour devenir un fil sur lequel il est de plus en plus difficile de se tenir en équilibre… Il ne faut pas laisser de place au vertige, être bien concentré sur le présent et avancer pas à pas. Pour cela il faut écouter les encouragements des proches, les conseils des professionnels et faire abstraction des peurs et des cris des spectateurs qui n’ont rien compris.
Et petit à petit notre vie n’a plus la même saveur. Il faut découvrir de nouvelles saveurs : la saveur de vivre et d’apprécier la vie au jour le jour.
J’ai compris que pour vivre au mieux cette situation je devais vivre sans trop envisager l’avenir et sans regarder la passé. J’ai du alors m’approprier cette nouvelle façon de vivre et m’adapter.
Le Bistrot mémoire fait partie de ma vie. Depuis le début j’y ai trouvé: Accueil, Ecoute, et souvent Réconfort. Cette rencontre hebdomadaire m’a permis de tenir, de me reconstruire.
L’accompagnement est évolutif comme la maladie: d’abord faire avec le malade ce qu’il ne peut plus faire seul puis
- choisir des taches accessibles
- faire à sa place mais avec lui
- faire seule ce qu’il aurait aimé faire
- l’aider pour les actes essentiels de la vie
-
La Maladie a été le révélateur des vraies valeurs:
- le respect de l’autre tel qu’il est
- la tolérance aux dysfonctionnements
- la patience face aux pertes de mémoire et de capacités
- l’humilité, la simplicité
- l’écoute, la disponibilité
- le dépassement de soi
- tout est communication: la parole, le regard, le toucher, l’ambiance.
Très vite, j’ai compris que toute contrariété pouvait aggraver notre relation et entraîner l’agressivité. J’ai appris à faire « des pirouettes », comme je les appelais et les murs de ma cave sont encore témoins de mes pleurs voire de mes cris de défoulement.
Les aspects positifs
Lorsque nous parlons de négatif, par obligation, il doit y avoir du positif, il en est ainsi pour tout : le courant électrique a un pole positif et un pole négatif, l’envers et l’endroit, le jour et la nuit.
Le positif que cette fichue maladie a pu m’apporter:
Tout d’abord, j’ai plaisir à venir au Bistrot Mémoire
Le plus important, c’est d’avoir pris conscience de la fragilité de la vie, rien n’est acquis
Cette maladie oblige
à se dépasser
à prendre le temps de vivre
à devenir philosophe
à oublier le matérialisme
Ce cheminement m’a permis de découvrir une vie plus vraie, de devenir moins dépendante des l’environnement et du regard des autres
Chaque jour est un jour nouveau, le soleil se lève tous les jours, même s’il est caché.
Il ne faut pas remettre au lendemain ce qu’on peut faire le jour même, il faut aller jusqu’au bout de son geste de son action..
Et ce qu’elle écrit aujourd’hui: » Les cheveux blancs sont bien présents , le poids des années se fait sentir, et malgré tout je confirme et maintiens ce que j’ai écrit. Chaque jour est un nouveau jour qui mérite d’être vécu malgré les nuages qui cachent le soleil. »
C trés frappant
J’ai apprécié énormément le rôle et la responsabilité d’accompagnement des malades d’alzheimer,je fais actuellement une thèse doctorale dans ce contexte et j’aimerai bien qu’on coordonne
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