Les secrets d’un habillage facile

Ce qu’il est important d’avoir en tête, dans tous les gestes quotidiens en direction d’un patient Alzheimer c’est qu’ils s’inscrivent dans une relation à une personne vulnérable, c’est à dire extrêmement sensible.

 Attention: Personne sensible

Il y a un peu plus de cinquante ans on considérait, médicalement et scientifiquement parlant, que les bébés ne sentaient rien. Une des mes amies m’a rapporté les paroles d’une pédiatre au moment de son accouchement (il y a exactement 57 ans):  « les bébés sont tout à fait insensibles. Moi je traite mes enfants comme des morceaux de bois ». Cette pédiatre croyait bien faire en diffusant ainsi sous forme d’image frappante un prétendu savoir appris à la faculté de médecine. Aujourd’hui une telle proposition apparaît comme une énorme sottise. A la même époque J’ai aussi entendu ce genre de choses que je trouvais scandaleuses et je pensais: « Ces gens n’ont jamais « vu » un bébé! Un nouveau-né c’est juste un concentré de sensibilité. » Aujourd’hui on trouve partout une ignorance du même type concernant les malades Alzheimer. Beaucoup prétendent que du moment qu’ils ne se rappellent rien, ils ne comprennent rien et ne sentent rien…

Avant d’entrer dans le détail d’un habillage facile, il faut installer une relation de confiance et considérer que plus un malade perd ses repères plus sa sensibilité augmente. Plus il se rapproche d’un état de grande dépendance (semblable en fin de parcours à l’état d’un nourrisson) plus il devient un concentré de sensibilité.

Un petit enfant qui essaie de s’habiller va nous faire rire s’il essaie d’enfiler son pantalon par la tête. Nous mêmes, nous avons appris à nous habiller pendant plusieurs années jusqu’à ce que nous soyons capables de lacer nos chaussures et de mettre seul notre manteau et nos gants. S’habiller et se déshabiller sont des activités bien plus complexes qu’elles n’en ont l’air. On les effectue sans réfléchir. C’est un savoir-faire automatique qui se suspend de lui-même dès qu’on se pose des questions comme: « qu’est ce que je vais bien pouvoir mettre aujourd’hui? »

La maladie d’Alzheimer est un long processus de dés-apprentissage.  Un aidant se catastrophe parce que sa femme cherche à enfiler son soutien-gorge par les pieds! Au  moins, elle essaye! On peut lui indiquer, en souriant, la manière de faire et le processus peut se remettre en marche, pendant un certain temps.

Une aidante se plaint que sa mère remet ses habits sales dans l’armoire et les porte pendant longtemps. C’est tout simplement parce qu’elle n’arrive plus à distinguer les habits sales des habits propres . Un malade Alzheimer, en perdant ses repères, n’arrive plus à faire la différence entre deux choses semblables comme une cuillère propre et une cuillère sale, un pull propre et un pull taché. Il est évident que cette dame a besoin qu’une autre personne s’occupe de son linge au quotidien. Ce qui est une grande responsabilité car il faut tenir compte d’énormément  d’éléments.

Conserver le plaisir

Choisir ses vêtements est un des plaisir de la vie. Une personne malade a des goûts et des habitudes, certains types de vêtements lui plaisent d’autres non. Il faut arriver à tenir compte du climat, de la saison, du temps qu’il fait, de l’usage du vêtement et de ce qui plait à la personne pour qu’elle se sente présentable ou mieux encore bien habillée.

Pour un homme, s’il a l’habitude d’en porter, on peut garder des chemises classiques pour l’exercice qui consiste à boutonner et à déboutonner les dix boutons de la chemise, pour conserver l’habileté manuelle et le plaisir qu’elle procure. Pareillement pour une femme c’est assez difficile de fermer son soutien gorge. Elle sera contente d’y arriver toute seule. Si elle n’y arrive plus, il faut gentiment lui proposer de l’aide pour qu’elle ne se retrouve pas en situation d’échec.

Si la personne malade aime certaines couleurs, certains types de vêtement, cela peut être judicieux d’avoir des tenues en double exemplaires. Les vêtements qui se ressemblent sont mieux acceptés car plus familiers. Dans ce choix il importe de privilégier le confort et de sélectionner des habits faciles à porter, à mettre et à enlever.

On peut modifier progressivement la garde robe, en choisissant des matières faciles à entretenir. Les vêtements de sport qui n’ont pas l’air trop sport, s’ils plaisent à la personne, peuvent constituer un bon compromis. Les vêtements doivent répondent aux changements de températures, du chaud au froid avec les coupes vents, les casquettes, les bonnets, les chapeaux, les anoraks. Pour les chaussures on choisira celles qui ne font pas de corps aux pieds, qui permettent une marche aisée et qui ferment avec des velcro. Quand on trouve la bonne paire, on peut en acheter deux identiques.

Les difficultés du déshabillage

Plus la maladie avance, plus tout ce qui touche au corps devient un enjeu important. Enfiler les vêtements  de nuit, pyjamas ou chemise de nuit est en général assez facile, par contre le déshabillage pose problème. La personne ne voit pas pourquoi elle devrait se déshabiller. Elle proteste qu’elle se sent bien dans ses vêtements et veut dormir avec. Comme pour la toilette le passage délicat consiste à ôter ses habits. La personne n’arrive plus à imaginer qu’un habillage suivra le déshabillage: elle a peur d’une certaine façon de rester déshabillée toute sa vie. Avant de lui demander d’enlever ses habits de jour, il faut étaler les habits de nuit de manière bien visible, les faire bouger, les tendre à la personne, les lui faire toucher, de manière à la rassurer.

En fonction des difficultés du malade, on peut diviser le processus en autant d’étapes que nécessaire: commencer par enlever les chaussures puis les chausssettes et les faire immédiatement disparaître.  Proposer ou non des chaussons. Enchaîner par le plus facile: le haut  ou le bas suivant la personne ou le moment. Et commenter à haute voix: « c’est pour que tu sois plus  confortable pour dormir, tu te déshabilles ainsi tous les soirs, regardes ton pyjama comme il est beau! » Ou n’importe quelle parole qui fera que le malade ne se sente pas contraint de faire quelque chose qui l’inquiète forcément.

Quand il y a une difficulté récurrente dans le quotidien, un manque de collaboration active, il faut revoir le mode d’emploi des journées. Renforcer la relation de confiance autant que possible par un nouveau déroulement des journées jusqu’à ce que le quotidien redevienne fluide. C’est quelque fois au moment du coucher que l’on se rend compte que la journée a été médiocre. Après une bonne journée, riche en satisfactions et en sorties, le malade aura plaisir à se mettre au lit et à s’endormir.

 

 

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