Les demoiselles de compagnie

Un remède à l’enfermement

L’enfermement est un des grands drames de la vie quotidienne patients alzheimer.  On les enferme pour leur sécurité. Oui, mais dans notre société on ne cesse d’opprimer les gens pour leur sécurité Dans les Ephad,  toutes les « unités protégées » sont des unités fermées.

Mais ce n’est pas parce qu’il ne peut plus  sortir seul qu’un malade n’a pas envie de sortir. Il doit sortir accompagné, d’où l’idée de demoiselles de compagnie, spécialisées en promenade.

Dans les institutions les personnes en service civique pourraient remplir ce rôle, cela demande juste une révolution dans la manière de regarder les malades, cela implique de s’intéresser à  leur désir et à leur plaisir, de considérer qu’ils sont des être humains comme nous.

Est ce que nous nous aimerions être enfermés?

Un patient en bonne santé

Tant qu’un patient Alzheimer n’est pas malade, il n’a pas  besoin de garde malade. Un patient Alzheimer est d’abord un patient en bonne santé.  Il est désorienté dans le temps et dans l’espace. Il lui faut donc une boussole pour pouvoir se déplacer dans un espace même familier. Un GPS ne fera pas l’affaire… sauf peut-être tout au début, tant que l’autonomie est préservée. Quand il lui manque trop de repères et qu’il ne peut plus  rester seul, il lui faut  de la compagnie en permanence, pour aller et venir, pour trouver les toilettes, pour faire les courses, pour se promener, lire ou aller au cinéma etc…

L’ennemi du patient c’est le stress, mais c’est aussi l’ennui. Pendant longtemps j’ai été la demoiselle de compagnie de mon mari, sans le savoir, tout comme Mr Jourdain faisait de la prose sans s’en douter.  J’ai été aussi son compagnon de jeu, je me suis remise au tennis et j’ai commencé le golf avec lui. Je l’emmenai à la piscine. Nous avions une mini table de ping-pong pliante dans le salon.

L’idée ne m’est jamais venue que comme il était incapable de se promener tout seul, il devait obligatoirement rester à la maison toute la journée.  Je crains que la plus part des gens raisonnent cependant ainsi, avec des conséquences dévastatrices sur l’état du patient  qui se trouve enfermé sans l’avoir demandé  et privé de sa liberté de mouvement.

Le défi posé par la pathologie, c’est de surmonter ou de compenser les pertes de repères de façon à faire mener au patient une vie aussi normale que possible.

Aller se balader

Daniel adorait marcher et appréciait beaucoup d’être dehors. La porte codée, il ne s’est jamais senti enfermé. Il a eu des demoiselles de compagnie qui l’emmenaient dehors. C’est parmi les étudiantes surtout que je les ai trouvées, particulièrement celles qui sont en fin d’études et qui ont du temps libre en semaine.

Une annonce sur un site étudiant  (etudiant.fr) « cherche demoiselle de compagnie pour patient Alzheimer » suscite beaucoup de candidatures. Daniel était ravi de rencontrer de nouvelles personnes, même s’il n’arrivait pas à mémoriser les prénoms. C’est une sorte de tissu social qui s’est crée petit à petit, où il était très à l’aise.

La rencontre entre la demoiselle et le patient

L’une d’elles a écrit: « Cette rencontre avec Daniel a été très enrichissante pour moi. Avec le temps j’ai appris que l’on peut vivre avec cette pathologie. Il faut simplement être à l’écoute de la personne. Nous avons passé de très bons moments à rire, à philosopher durant nos longues promenades. Je me souviens d’un fou rire lorsque Daniel a sursauté en recevant une goutte d’eau sur son front. Il pensait que quelqu’un lui jetait de l’eau alors que ce n’était que la pluie. Et lorsqu’il me disait : « vous être très agréable » cela me procurait une joie immense. »

Une autre: « Vous me regardez souvent en me demandant pourquoi je suis si grande, cela me fait sourire… Je ne connais toujours pas la réponse à votre question: « le soleil est-il une personne de confiance? »

Une autre encore: « Grace à vous je passe des vendredis à siffler gaiement dans la rue et à parcourir le quartier en devisant philosophiquement, vous dites souvent: « Écoutes la voix de ton cœur, elle ne te trompera pas ». Cela me fait réfléchir. »

Bien sûr, je faisais d’abord un casting et un peu de formation, j’expliquais ce qu’il convenait de faire et surtout d’éviter: Ne pas contrarier le patient, ne jamais lui dire non, lui parler normalement.  Ensuite il faut toujours vérifier que la relation est bonne pour les deux parties, que tous les deux sont contents de leur après-midi, qu’ils ont en quelque sorte des « atomes crochus. »

Il y a une complémentarité, une relation naturelle qui s’installe, la demoiselle sait que c’est temporaire et elle profite de ce temps suspendu, dans lequel l’attention qui lui est demandée, ce voyage dans le présent, la délivre de ses autres soucis. Le patient est entièrement rassuré par une compagnie bienveillante. Il est d’autant plus heureux de toutes ces promenades qu’il sait pertinemment qu’il ne pourrait pas les faire tout seul.

 

5 réflexions sur « Les demoiselles de compagnie »

  1. chapon

    Bonjour,

    Maman a 80 ans et est hébergée en EHPAD et un incident a provoqué son transfert dans une unité protégée avec code d’accès aux étages et au parc.

    Je me suis senti « pris en tenaille » entre l’urgence qu’il y avait de lui trouver une chambre et ce qu’il faut bien reconnaître être une sécurité qu’elle ne soit plus livrée à elle-même.
    Dans sa précédente chambre, sa liberté était devenue davantage source d’angoisse dès qu’elle quittait sa chambre et qu’elle perdait ses points de repère.

    Chacune de mes visites est l’occasion d’être cette personne de compagnie que vous décrivez et je prends du temps pour l’emmener marcher dans le parc. J’incite la communauté d’aidants qui l’entoure à faire de même.

    A chaque fois, je découvre le bonheur que cela produit chez elle. Le temps est comme suspendu. Même la conversation semble plus facile, fluide. Discuter avec maman n’est pas chose facile. Ce n’était déjà facile avant Alzheimer, c’est pire depuis. En marchant, il est plus aisé de parler à côté l’un de l’autre que l’un FACE à l’autre.

    La bienveillance dont vous parlez est vitale : pour moi, c’est la condition que ce temps passé avec elle soit de qualité, qu’il lui soit bénéfique. Je suis de ceux qui croient que nous naissons bienveillant mais aussi que le quotidien nous en a éloigné : pour certains il est nécessaire de « réveiller » la bienveillance qui sommeille en nous.

    Je terminerais en vous disant que j’ai pris l’habitude de calculer mon temps de présence auprès de maman pour que les phases de transition (arrivée et départ) soient les moins anxiogènes possibles pour elle. Je m’arrange pour que l’un et l’autre interviennent au moment où elle a terminé ses activités en PASA ou que l’aide-soignante vient la chercher pour son repas du soir.

    Bon courage à tous.

    Répondre
  2. chauvin

    J’ai cherché en vain pour notre soeur enfermée loin de nous des personnes pour la sortir un peu ou lui lire des contes je n’ai trouvé personne l’état de ma soeur délaissée empire chaque jour et donc le personnel soignant ne lui propose plus rien c’est triste à mourir et tout doucement elle va y arriver

    Répondre
  3. mireille vany

    cet article est constructif pour que la société comprenne que les personnes atteintes de cette maladie sont encore des êtres vivants;, seules, certaines de leurs neurones sont mises à mal ;mais ressentent des émotions et de la joie ou de la nostalgie ;des retours en arrière en rencontrant d’anciennes connaissances .

    Répondre
    1. Micouleau

      Bonjour madame je cherche un site d’etudiants Pour tenir compagnie à mon mari atteint d’alzamer
      Nous hàbitons Boulogne Billancourt
      Merci pour votre accompagnement
      Marie-Claire Micouleau 0682972657

      Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.