Les dilemmes de l’aidant et de l’aimant

Lors d’une conférence à Louvigné du Désert, j’ai revu Marie Annick qui avait participé à un de mes premiers ateliers-theatre où elle avait joliment décrit sa vie d’aidante comme un ménage à trois: « moi, mon mari et la grignoteuse ».

Elle a tourné la page aujourd’hui, mais elle écoute ceux qui ont des difficultés avec « la grignoteuse ». Elle utilise une nouvelle formule que je trouve très éclairante: « il faut distinguer entre le rôle de l’aidant et celui de l’aimant ». Elle explique: l’aimant est le repère, il est souvent unique, l’aidant peut être toute personne bienveillante qui prend soin du malade.

Cette distinction est riche d’enseignements. L’aimant est le repère et il doit résister aux assauts de la maladie, prendre soin de lui de façon à conserver intact son rôle de boussole. Les personnes qui aident peuvent changer. Une collaboration étroite peut s’instituer entre l’aimant et les aidants pour le plus grand confort de la personne malade. J’ai reçu récemment un ouvrage « La mémoire du coeur ». C’est un témoignage sur l’aventure d’une famille nombreuse qui compte huit filles, un mari très présent (auteur de l’ouvrage) et une mère malade d’alzheimer.

Au moment de l’annonce du diagnostic, chacun réagit différemment. Le père donne la parole à chacune de ses filles. Certaines ont vu venir les choses, d’autres pas du tout. Quant à la plus jeune, elle dit qu’elle n’a pas l’âge pour vivre ce genre de situation. Elle s’exprime spontanément sans réaliser qu’il n’y a nulle part un âge prescrit pour vivre telle ou telle chose. Cela me rappelle un spectacle de théâtre dédié à la maladie d’un père de famille dont la fille répétait en protestant de toute ses forces sans aucune pitié pour les oreilles des spectateurs: « Je n’ai pas demandé ça! Je n’ai pas demandé ça! « 

Ce qui sous-entend (soyons logiques) soit qu’il y aurait une distribution de parcours de vie où l’on pourrait demander une chose et protester s’il y a erreur de livraison, soit que d’autres gens pourraient être amateurs de la maladie d’alzheimer pour un de leur parent! ( Ah! Bon? ) Ces imaginations étranges n’ont rien de réel et pourtant ce sont des pensées de ce genre qui sont à la racine de la colère dont parle chacune des filles interrogées.

La valeur de ce témoignage familial vient de la sincérité de ceux qui expriment leurs sentiments, sans se poser en exemple et sans autre philosophie que le recours épisodique à la prière et aux consolations de la religion.

On voit que le mari mérite le nom d’aimant et reste le repère incontesté. Pour faire plaisir à sa femme, il l’emmène en voyage dans une ile lointaine, où il a concocté des diners d’amoureux sur la plage. Hélas, la dame est complètement perdue et les vacances gâchées. La présence de son repère fondamental ne suffit plus à la rassurer dans un environnement si loin de ses habitudes . Elle en est réduite à passer ses vacances dans son lit, sous la menace d’un séjour à l’hopital local.

Ainsi, on voit qu’il faut être attentif à la perte progressive des repères, apprivoiser la maladie, bien la connaitre, calculer au plus juste la vie quotidienne. Ensuite, il faudrait pouvoir expliquer à l’entourage le fonctionnement des neurones miroirs, faire sentir à chacun que son état intérieur ne peut pas être caché à la sensibilité du malade, dont les neurones miroirs sont aussi éveillés que ceux d’un enfant.

Si l’on comprend tout cela, on sait que pour approcher un malade dans les meilleures conditions, il importe avant toute chose d’être détendu et de bonne humeur. Toute protestation si sincère soit-elle sur l’injustice de la maladie aggrave automatiquement la confusion. L’aimant et l’aidant ont une mission prioritaire rassurer la personne malade.

5 réflexions sur « Les dilemmes de l’aidant et de l’aimant »

  1. Delarue Danielle

    Bonjour,
    Depuis la Confusionite » vue à Melun, accompagnée de plusieurs camarades, qui ont reçu de nombreuses informations sur la maladie; je vous suis.
    Ma mère de cœur est maintenant décédée, d’ailleurs accidentellement, à un âge avancé. Vous m’avez beaucoup guidée en tant qu’aidante, à l’époque ça ne pouvait pas être repère, enfin je ne sais pas vraiment; car plusieurs personnes intervenaient pour la monter contre moi et la déstabiliser. L’hepad de Savigny le Temple à été durant 8 ans son lieu de Paradis (je connaissais fort bien et je demeurais à cette époque à 10 mn à pied…); depuis 2 ans je suis près de Dreux mais rien de tout ça; pensez-vous y venir?

    Répondre
    1. coletteroumanoff Auteur de l’article

      Merci beaucoup pour votre commentaire. Pour venir à Dreux, il faut que la cie soit invité par une structure
      Souvent ce sont des associations qui nous font venir. Une représentation de la Confusionite Jusqu’à 100km autour de Paris coute 3800HT (Tva 5,5%). Cette pièce est bien répertoriée et il est possible d’avoir des financements des Mairies des départements des régions, de la conférence des financeurs, des caisses de retraites. Voir le site: laconfusionite.com

      Répondre
  2. DE CACQUERAY

    Merci pour cet article qui aborde un sujet tellement humain mais souvent tabou
    Je pense que nombre d aidants / aimants s y retrouveront

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.