« Malheureusement, quand la nuit a été mauvaise car le malade était agité, c’est difficile d’être sereine ,de prendre du recul. On tombe vite dans un cycle infernal et c’est exactement ce qui se passe en ce moment entre mon mari malade et moi. Un équilibre fragile a été rompu et je n’arrive pas à comprendre ce qui coince . Je pense aussi que j’ai du mal à accepter une dégradation soudaine et importante. »
Dans le parcours de la maladie il y a des moments difficiles qui demandent un effort de lucidité particulier. Ce qui coince, c’est que les repères du quotidien s’effacent sans laisser de trace. Alors ce qui constituait une bonne journée devient une journée difficile où la bonne humeur a disparu. Si la nuit est agitée c’est que la journée précédente n’a été ni bonne ni joyeuse. Des gestes faciles ou des activités plaisantes sont devenues difficiles ou impossibles pour le malade. C’est ce qu’il faut observer avec attention pour procéder aux changements nécessaires, trouver un nouveau mode d’emploi de la journée et de la semaine.
La maladie est évolutive, même quand il ne se passe rien en apparence, le cerveau se dégrade peu à peu. Le malade peut arriver à compenser ses pertes de repères surtout s’il éprouve un sentiment de sécurité vis à vis de son entourage. La dégradation peut apparaître d’un coup, un peu comme un tissu usé qui se déchire brusquement. Alors c’est important de regarder le chemin parcouru. Combien de difficultés avez vous déjà surmonté? De combien de mauvais pas vous êtes vous tirée? Est ce plus difficile aujourd’hui que l’année passée? Où avez vous trouvé de l’aide? Où en chercher aujourd’hui?
Le parcours n’est pas fini et vous savez qu’à la fin de la maladie, le cerveau du malade sera dans un état équivalent à celui d’un nourrisson, si une autre maladie ne fait pas disparaître un malade fragilisé par Alzheimer. Quelque soit l’état du cerveau la relation au malade reste possible. Au fur et à mesure que ses compétences disparaissent son ressenti devient plus précis. Il ressent intensément les émotions des personnes qui l’approchent.
Il y a un élément nouveau auquel il convient de prêter attention: le rythme chrono-biologique se modifie. L’heure où la toilette peut être acceptée peut se modifier considérablement. Il est dix heures du matin à l’horloge, mais pour le corps du malade quelle heure est-il? Si c’est deux heures du matin et qu’on le conduit sous la douche cela va très mal se passer et risque de briser la confiance qu’il a dans son entourage. Toujours lui demander son avis: est-ce le bon moment pour se coucher? le bon moment pour se laver? le bon moment pour sortir?
Tout cela complique la vie en apparence mais la simplifie en réalité, car tout se fera avec la collaboration active du malade. Dans tous ces bouleversements, il faut veiller à votre confort. C’est une priorité, la base sur laquelle tout le reste repose. Comment faire pour augmenter son sentiment de confort, son sentiment de sécurité? Si je suis stressée je ne pourrai communiquer que du stress à la personne malade, je vais aggraver sa situation et la mienne.
De quoi ai-je besoin pour me sentir bien, pour être apaisée, quels sont les choix que je peux envisager. Quelles sont les perspectives qui me rendraient ma bonne humeur naturelle? Car La bonne humeur est naturellement présente dans un quotidien fluide. Quand quelque chose coince, il y a une urgence, il faut réagir. Si on ne fait rien, le quotidien s’aggrave mécaniquement. Si l’aide extérieure systématique devient nécessaire il faut la trouver, et pour cela la chercher activement. Beaucoup d’aides sont proposées et pas ou peu utilisées. Il faut en faire le tour pour trouver celles qui conviennent. On ne pense pas toujours à questionner sa caisse de retraite.
S’occuper d’un malade Alzheimer amène à se poser des questions quasiment en permanence.