Alzheimer: La relation de confiance

La confiance fait vivre la relation, la nourrit. Une relation basée sur la confiance devient naturellement  riche et belle. Si la confiance est absente, toute relation familiale ou autre n’est plus qu’ une coquille vide, il n’y a rien dedans. A la sortie d’une conférence, où samedi dernier j’ai parlé d’Alzheimer et du deuil, j’ai rencontré une dame qui m’a raconté qu’elle avait gardé son mari jusqu’à la fin et elle ajouté « c’était dur » et pour illustrer son propos, elle m’a dit: « Nous habitons le même appartement depuis quarante ans, depuis quarante ans mon mari s’est toujours assis à la même place pour manger et il me demandait chaque jour: « Où je dois m’asseoir? »

 La confiance aplanit les difficultés.

J’ai trouvé cette histoire très belle. Parce que la perte des repères s’exprime d’une manière éclatante, mais la relation de confiance aussi. Bien qu’il soit chez lui, il ne se rappelle pas quelle est sa place. C’est l’effet normal et naturel de la perte progressive des neurones qui peut rendre la vie quotidienne si difficile.  Bien sur, il ne sait pas où s’asseoir, mais il sait que s’il demande à sa femme,  il va pouvoir trouver une place où il sera bien assis et en sécurité. Il a confiance en elle, en ce qu’elle lui dit, en ce qu’elle fait pour lui.

Cette dame est passée en partie à coté de son bonheur, car elle aurait pu  se dire:  » mon  mari a perdu tous ses repères,  mais il a confiance en moi:  je lui dis où s’asseoir et il s’assoit, N’est ce pas merveilleux? Je suis son repère. Je peux en être fière, car même s’il n’a plus beaucoup de neurones, il sait dans son cœur que je prends soin de lui et que je fais exactement ce qu’il faut pour qu’il se sente bien. Moi aussi je peux me sentir bien, être heureuse et fière de cette confiance réciproque qui existe entre nous. »

Ne pas passer à coté de son bonheur.

Daniel avec une demoiselle de compagnieQuand la dame m’a raconté cette histoire je sentais bien qu’elle trouvait la question de son mari dérangeante. Comme si elle s’attendait à ce que je lui dise: « Oh! Ma pauvre dame, c’est terrible cette maladie, je compatis… » Elle aurait préféré que son mari ne lui pose pas cette question. Elle aurait préféré qu’il n’ait pas cette maladie, c’est à dire que, sans le savoir, elle a ouvert grand la porte aux clichés négatifs que la société véhicule sur Alzheimer, sur tous ces manques si bien listés par les tests, sur toutes ces déficiences cognitives dont on nous rebat les oreilles.  Elle ne s’est pas réjouie de cette confiance, chaque jour renouvelée dans le simple geste de s’asseoir pour prendre son repas.  Cette confiance une fois installée ne cesse de grandir au fur à mesure que les repères disparaissent, à condition, bien sur, que rien ne vienne la détruire. Une fois bien établie la confiance résiste à bien des aléas de la vie quotidienne (cf: Qui êtes vous? je ne vous connais pas)

 La confiance se nourrit de la bonne humeur.

J’ai une autre histoire qui date aussi de ce samedi. Ce sont deux filles qui viennent voir leur mère qui est en maison de retraite. L’une rit avec sa mère, ce qui sous-entend qu’elle prend la malade et la maladie comme elle sont. L’autre souffre atrocement de voir sa mère  dans l’état « diminué et repoussant » où elle la voit. Elle ne sait pas qu’elle interprète l’état de sa mère en fonction des préjugés qui sont ceux de notre société et qu’elle a fait siens. Les deux sœurs emmènent leur mère au restaurant. La mère dit à sa fille qui s’amuse avec elle: « Elle n’est pas très marrante la copine que tu m’as amenée aujourd’hui ». Ce qui est l’expression parfaite du ressenti, dans l’instant, d’une dame qui se trouve au restaurant avec deux jeunes femmes dont l’une est de mauvaise humeur, tandis que l’autre lui sourit. On ne dira jamais assez l’importance de la qualité du regard que l’on porte sur la personne malade. Avec la perte de repère et la perte de mémoire les patients vivent dans un monde fait d’apparitions et de disparitions.  Deux personnes sont apparues devant cette dame, qu’elles soient ses filles n’a pas d’importance ni de signification pour elle, elles vont disparaître dans un moment, aussi mystérieusement  qu’elles sont apparues. La dame se rend bien compte que l’état émotionnel des deux convives est très différent. Un patient azheimer préfère toujours la bonne humeur à la mauvaise humeur, exactement comme nous. Car la mauvaise humeur le stresse terriblement. Comme le monde se délite sans cesse autour de lui, il a besoin de se sentir en confiance, d’être rassuré, réconforté et non pas agressé par un regard plein de reproches silencieux.

 La bonne humeur ouvre la porte au bonheur

La sœur qui ne sent pas reconnue est prête à pleurer et ou à faire un scandale. Moyennant quoi notre patiente Alzheimer va la considérer comme une étrangère (cf les stratégies de survie d’un cerveau alzheimer).  C’est le levier de la non-reconnaissance qui joue comme un miroir. Si vous dites: « je ne reconnais pas ma mère! Elle a tellement changée! Ma mère ce n’est pas « ça »! Très logiquement et pour protéger ce qui lui reste de neurones votre mère ne vous reconnaîtra pas non plus. La relation de confiance, une relation de cœur à cœur,  peut durer et s’approfondir au fur et à mesure que la maladie avance.  Faites vous une amie de la maladie, elle vous le rendra. Soyez de bonne humeur, le bonheur habite tout près de chez vous.

10 réflexions sur « Alzheimer: La relation de confiance »

  1. Noémie Rattray

    Mon mari a Alzheimer et j’ai beaucoup d’amour pour lui. Mais quand il est injuste et méchant, mon amour pour lui s’effrite. Que faire?

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    1. coletteroumanoff Auteur de l’article

      Bonjour,Oubliez l’amour qui pour vous n’est pas un allié solide et essayez d’être tout simplement bienveillante.Essayer de regarder les choses comme elles sont devenues et non comme elles devraient être, comme elles pourraient être si votre mari était en bonne santé.Le fait incontournable est que votre mari est malade d’alzheimer: il n’est ni injuste ni méchant. Il a perdu ses repères et ses comportements peuvent vous paraître aberrants. Il avant tout besoin d’être rassuré, sécurisé, d’être en rapport avec des personnes bienveillantes. Si vous pensez qu’il est méchant ou injuste vous le regarderez forcément avec dépit, colère et inquiétude, ce qui augmentera automatiquement les troubles de votre mari. Votre mari est malade, il vit dans un monde qui s’effrite, il ne comprend ni ses réactions ni les vôtres. Il est  déboussolé et vous l’êtes aussi, puisque du fait de sa maladie tout change dans vos habitudes et votre quotidien.La seule chose à faire si vous voulez sauver ce qui peut l’être dans la relation et bien vivre avec cette maladie c’est de dédramatiser les situations, de cultiver la bonne humeur. Avez vous lu mes livres? j’y  propose un grand nombre de trucs et astuces, d’actions concrètes. bien cordialement
      Colette Roumanoff

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  2. Christine

    Merci Chere Madame de nous aider par les échanges , les bonnes idées , une certaine forme d’optimisme aussi , à recharger les batteries de la créativité pour faire face au quotidien à mille et une difficulté, sans infantiliser celui ou celle qui a tant besoin de nous!
    J’ai découvert tout récemment ce blog et y ai deja trouve des tas de réponses a mon questionnement … Un grand grand merci !

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  3. Ambre Ronceret

    Bonsoir.
    Ce n’est pas vraiment un commentaire que je m’apprête à laisser . Plutôt un témoignage.
    Pour des raisons de santé j’ai dû confier Maman ,malade Alzheimer ,à une maison de retraite en accueil temporaire le temps de ma cure. Auparavant elle allait trois fois par semaine en accueil de jour ce qu’elle aimait beaucoup. Avant de partir me soigner j’avais  » négocié » avec le cadre de santé et le personnel pour que Maman bénéficie encore de cet accueil de jour si stimulant pour elle. Il n’y avait aucun problème , c’était une bonne initiative etc…mon séjour s’achève . Maman n’a assisté qu’à un seul atelier…. Cherchez l’erreur .

    Merci pour le parti du rire et de la bonne humeur.

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  4. Daniel Gallet

    Une expérience nouvelle pour moi traduit ce que la confiance mutuelle peut engendrer.
    Avec Ginette nous avons décidé de faire un gâteau chaque semaine. Je ne connaissais rien en pâtisserie mais je me suis lancé et nous avons partagé les tâches, Ginette se chargeant de réunir les ingrédients et moi effectuant les mélanges suivant la recette et m’occupant de la cuisson au four.
    Certes, cela a demandé un peu de temps car Ginette devait lire plusieurs fois les ingrédients nécessaires mais il n’y a eu aucune erreur de sa part . Nous avons partagé ce moment avec une fierté non feinte . Il est vrai que j’aurais pu douter du résultat en me disant qu’elle ne parviendrait pas à réaliser la tâche qu’elle s’était assignée et m’occuper de tout mais cela aurait sans doute occulté la confiance qu’elle doit conserver aussi bien pour elle que pour moi.

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  5. Jacqueline Provost

    Merci chère Colette de continuer ce blog qui est toujours un réconfort surtout avec votre manière de voir le verre toujours à moitiè plein et non pas à moitié vide comme très souvent je le vois aux côtés de mon mari.
    Il faut dire que la société aidée en cela par le corps médical véhicule un tel regard négatif sur la MA qu’il faut se battre sans arrêt pour garder le sourire qui fait tellement du bien à mon mari.
    Combattre celui qui vous dit que ce n’est pas la MA car mon mari parle encore politique et a une opinion sur le gouvernement actuel. Heureusement
    Combattre le silence de la serveuse de notre bar préféré qui jusqu’à l’annonce de la MA de mon mari avait toujours un petit mot gentil en nous apportant notre café et qui depuis ne sait plus quoi nous dire et repart si vite qu’on dirait qu’elle a peur d’attraper la maladie!
    Combattre celle qui vient me demander à voix basse des nouvelles de mon mari et qui s’interrompt quand il arrive,
    Combattre la neurologue qui n’a jamais une parole positive et veut que le mette déjà sous tutelle!
    Voilà pour le verre à moitié vide!
    Heureusement il y a le verre à moitié plein du personnel de l’accueil du Leclerc de st Ouen l’Aumone qui a su le prendre en charge un jour qu’il s’était perdu à vélo et m’appeler pour me rassurer, l’entrain de notre petite fille à faire jouer son grand père avec elle, et vous, qui portez toujours une regard positif ainsi que les commentaires des uns et des autres qui m’aident.

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    1. coletteroumanoff Auteur de l’article

      Chère Jacqueline, tout ce que vous dites est parfaitement bien observé. Il ne faut pas manquer tous les bons cotés et tous les regards plein d’amitiés chaque fois que vous les rencontrez.Plus vous serez apaisée et plus en verrez. La société a peur de la maladie et la peur ne rend pas intelligent.Le corps médical, sans le vouloir et sans le savoir, a beaucoup contribué à renforcer cette peur. A nous de leur montrer que tout se passe bien.
      amitiés colette

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  6. Doune95

    Madame Colette je voulais tout d’abord vous remerciez, car grâce à votre blog, que l’on m’a fait découvrir, j’ai pu voir que Alzheimer n’était pas si noir que les professionnels nous l’annonce. Que le bonheur et les couleurs de la vie sont toujours là, que c’est à nous de les faire vivre par l’acceptation de la maladie et la continuité de notre amour envers notre proche. De regarder notre proche toujours avec le même regard, moi je regarde ma maman toujours avec le même, rien n’a changé entre nous, que je sois son amie, sa mère, sa copine ou sa soeur, peu importe notre amour est toujours là. Bien sur il y a des moments triste dans nos quotidien mais à nous de remettre de la couleur et tout commence par un sourire, de le gaieté. Dommage que mon père ne le voit pas ainsi. Mais on ne peut pas forcer les personnes à accepter Alzheimer car tout commence par l’acceptation. Un grand merci

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  7. kataidante

    Madame, vous avez ce don rare et précieux d’apercevoir le positif dans ce que d’autres considéreraient comme négatif. Et je suis certaine que ce don est communicatif. En tout cas, vos articles sont une source constante d’inspiration. Merci.

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